dimanche 22 août 2010

Sucre amer



« En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n’ayant plus que la moitié de son habit, c'est-à-dire un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite.
– Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là mon ami, dans l’état horrible où je te vois ?
– J’attends mon maitre M. Vanderdendur le fameux négociant, répondit le nègre. –Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t’a traité ainsi ?
– Oui monsieur, dit le nègre : c’est l’usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l’année ; quand nous travaillons aux sucreries et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe ; je me suis trouvé dans ces deux cas : c’est à ce prix que vous mangez votre sucre… »

Candide, de Voltaire


Toute ressemblance avec des habitus, structures de contrôle et méthodes en usage quelques siècles après ces écrits, serait, naturellement, purement fortuite

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