dimanche 28 novembre 2010

Elections en Haïti: se mon...




Deye mon, se mon
Derrière la montagne, il y a une montagne.
Proverbe local de la résignation, de ceux qui triment et trinquent encore sous les coups, cruels, de trique? Proverbe plutôt de la lucidité, de ceux qui ont la mémoire comme l'expérience, dans l'errance de leur pays?

Ce soir, je me pose la question, là, comme un con, avec l'hélico MINUSTAH qui virevolte au dessus de nous.

Chaque semaine, un nouveau défi structurel, une nouvelle tuile, une nouvelle merde.

Que dirions-nous, au menu plutôt chaw'gé de cette auberge un peu folle qu'est devenue ce pays, d'un incontrôlable mouvement d'instabilité sociale et de colère post-électorale?
Mmmmmmmmmmmmh? Je vous en sers une louche?

Car douze des 18 candidats à l'élection présidentielle haïtienne, dont le premier tour avait lieu aujourd'hui, ce dimanche, ont réclamé son annulation en faisant état de fraudes massives. Ce qui pourrait déboucher sur de graves paralysies, voire sur de graves affrontements.

Le groupe comprend les principaux candidats de l'opposition à la présidence, y compris la dame ex Première Dame qui souhaite devenir Dame Première, le Chanteur rose fluo excentrique Sweet Micki/Martelly, batteleur démago et Céant, l'ancien poto d'Aristido, candidats dont beaucoup avaient déjà accusé la coalition du président René Préval, Inite (Unité), et son pourri de Célestin, de chercher à l'emporter par des moyens frauduleux. Les quelques rares analystes Minustah que j'ai croisé ces derniers mois m'ont tous confirmé que Préval est prêt à tout pour perdurer, via son dauphin. Ce qui me laissait songeur sur son besoin de laisser "pourrir" la situation humanitaire, qui expliquerait largement sa totale passivité. Manne internationale oblige...

L'appel des douze candidats fait suite à des scènes de chaos et de confusion dans de nombreux bureaux de vote de Port-au-Prince, la capitale, et des provinces, où des électeurs furieux de ne pas pouvoir voter ont saccagé des bureaux de vote. Et tiré quelques salves, pour la route.

Ces manifestations témoignent de sérieux problèmes d'organisation que l'on sent comme...organisés...

Des collègues humanitaires, déçus, amers, me disent que ce pays n'est même pas kapab de faire voter 4,7 millions de personnes. Alors pour les défis de la reconstruction, autrement plus complexes. Je les comprends. Mais je les emmerde.

Aussi complexes que préoccupantes, ces situations de "sous développement" du politique ici semblent décourager beaucoup de ceux qui jusqu’ici s’efforcaient de les comprendre; c’est aux victimes elles même qu’il conviendrait d’en imputer la responsabilité.

Sauvages. Cons. Ces Haïtiens.
Pas kapab de rien. Ces gueux.

Au fonds, c'est ce qu'ils disent. Malgré leurs dénégations d'hommes et femmes dits progressistes, car "en tenue humanitaire" (comme si notre milieu n'avait pas son lot de fachos, de réac, de connards et de cyniques rapaces opportunistes).

De l'autre côté, en termes de déni, le chef de la mission de l'ONU en Haïti (Minustah), parlait de "climat serein et apaisé", malgré les craintes de fraudes. Aujourd'hui, de "fête démocratique" et d'incidents mineurs...

Moi j'entends des coups de feu qui claquent.
Je prétends pas comprendre mieux que ce petit monde mais j'en ai vu, dans ma "carrière", des pays instables et des corps à corps interminable, au goût de sang, de plomb, de larmes et d'urnes bourrées...

Et à l'heure ou j'écris ces lignes futiles, les 110 observateurs de l'OEA, à 400 dollars par jour (oui oui, je sais, dont quelques jeunes français et québécois), sont sans doute en train de préparer le communiqué pré-paré, pré-mâché, pré-digéré pour dire que "tout va bien dans cette belle fête démocratique".

Et si, cette fois, face à temps de veulerie, ça pétait vraiment?

lundi 15 novembre 2010

L'odeur de la terre



Au début, on ne sent presque rien.
Mais quand la pluie commence à gronder, l’odeur monte, piti piti. L’odeur de la terre.

La mangue sent la mangue. L’ananas sent l’ananas. Le cachiman sent le cachiman.
La terre sent la terre.

Et c’est délicieux.

Ici au quotidien, dans et autour des camps de déplacés, dans les quartiers affectés et non affectés, ça pue la merde, les ordures, le vibrion cholérique et les chimères coléreuses, l'avenir bouché,
ça pue la mort,
ça pue l'indigne,
les égouts à ciel ouvert, les déchets organiques et les canapés verts,
ça pue les espoirs déchus, le moisi et les questions de plus en plus inoccultables: ou est passé le pognon promis?

Parce qu'ici, on ne sent plus trop la terre.
Parce qu'au prétexte que ça pue la non vie, on devrait se laisser aller à omettre les saillies, violentes, lumineuses, les éclats, les fragments, sublimes, de Bon, de Beau, de Délicieux? Hein? Parce que mes états d'ame sont pour toi Eric comme les etats d'A...Pardon.
Parce que mes états d'âme mi tendre mi amer sur ce sublime métier à la con m'empêcheraient de déceler, désormais, le beau sous l'immonde, la rose et le rhéséda sous le purin, la grandeur sous le prurit?

L'odeur de la terre.
Le bruit mouillé d'un bisous spontané d'un timoun.

C'est pour ça aussi qu'on est là. Non?
Ceux qui nous servent le discours "engagement-sacrifiel", je serais toi, je m'en méfierais...
On est là, on tient, aussi, parce que ça nous plait follement et qu'on est encore capable d'apprécier l'odeur de la terre sous la couche de merde, endogène comme importée.

Le Beau. Le Vrai.
Qu'on oublie, parfois, dans tout ce fatras, dans tout ce fracas de catastrophitis agudis.

Que j'oublierai, en bon soldat de l'humanitaire, de perm ce Noel dans mon chez moi natal.

Je profiterai de ton sédentarisme comme toi de mon voyage, là bas : cette vie si bien organisée nourrit la partie de moi-même qui aurait besoin d’immobilité pendant que je nourris l’autre. J’y viendrai bientôt, à cette pause. Pour le moment, il faut voir des têtes, flairer, brasser des gens, visiter, s’enquérir, tâter , pour faire rendre un maximum aux 6, 8, 12 mois que je compte encore passer ici.

L'odeur de la terre, aux temps du choléra...

vendredi 12 novembre 2010

Elle est sans doute bien placee pour denoncer...Non, en fait, pas du tout




Michaëlle Jean dénonce l’imposture de l’aide internationale à Haïti


PARIS.
Michaëlle Jean dénonce l’imposture de l’aide internationale à Haïti
L’ancienne gouverneure générale (du Canada, ignare de teuton/batave/fromage qui pue/buveur de leffe) n’y est pas allée de main morte, en tapant sur les doigts d’une communauté internationale qu’elle a invitée à faire son constat d’échec en Haïti.

L’aide internationale a transformé ce pays en «un vaste laboratoire d’essais et d’erreurs», a dénoncé Michaëlle Jean dans ses premières déclarations d’Envoyée spéciale de l’UNESCO en Haïti. Elle a été investie en début de semaine dans ces nouvelles fonctions.

Une fois de plus Michaëlle Jean a donné le ton de ce que sera cette nouvelle fonction qu’elle occupera durant les quatre prochaines années. Très sensible à la cause d’Haïti, son pays d’origine, elle a commencé par dire sa vérité à cette communauté qu’elle va représenter. Il fallait qu’elle lui dise que les stratégies utilisées dans ce pays, depuis des dizaines d’années, n’ont absolument rien donné, parce qu’il n’y a jamais eu de volonté politique réelle d’y réaliser quelque chose de durable.

La communauté internationale s’est cassée la gueule à répétition en Haïti depuis les années 1980, en voulant imposer à tout prix des politiques inadaptées des «développementeurs». Les «fameux Chicago Boys» qui ont exigé la fin des barrières tarifaires et qui ont obtenu en bout de ligne la fin de la production nationale haïtienne. La privatisation des principales industries nationales comme la HASCO (sucre), l’ENAOL (huile), la Minoterie (farine), Ciment d’Haïti et la filière du riz ont laissé un pays complètement à genoux devant l’aide internationale. Aujourd’hui tout doit être importé en Haïti, pour satisfaire un marché complètement tourné vers l’extérieur.

Sans le dire clairement, le message de Michaëlle Jean est aussi un appel aux classes dirigeantes haïtiennes, car les «développementeurs» n’auraient pas pu transformer ce pays en «laboratoire d’échecs» sans l’aide active de nationaux incapables de s’entendre minimalement sur un projet commun de développement.

dimanche 7 novembre 2010

Port au Principe



Par principe.
Presque, comme un réflexe conditionné, mêlant reliquat Pavlovien et l'automatisme de caste, défense spontanée de sa catégorie, de son rang, de sa corporation et réserve par rapport à "l'autre" acteur, quel qu'il soit.

Par principe.
Dès que l'on a une casquette, un drapeau, un mandat humanitaire spécifique, on l'adopte et l'on s'y tient fermement.
On rentre, insidieusement d'abord, puis de plein pied, dans le réflexe corporate, défensif. Presque malgré soi. Et dans la division, extrême et fragmentée, proprement inouïe, des secteurs, des enjeux, des acteurs.

On défend la maison, la Marque serais-je même tenté de dire (en ces temps de libéralisme très, trop facilement triomphateur, y compris dans le champs humanitaire).
Par principe.

Par principe, les humanitaires UN, donc (OCHA, UNICEF, PNUD, PAM, que sais-je encore) méprisent les ONG internationales (Care, Save, MSF etc...) qui ne pèsent rien décidément dans les décisions vraiment importantes.
Par principe, les ONG internationale conchient les UN, ces bureaucrates trop payés et déconnectés du terrain.
Par principe, les ONG nationales sont indifférents aux UN et rentrent dans une dynamique d'attraction/répulsion perverse avec ces ONG Internationales (le premier mouvement par nécessité de survie, vue la manne financière en jeu; le deuxième par lucidité souverainiste et expérience).
Par principe, les autorités sont encore d'avantage affaiblies, et se noient au milieu de cette puissance diffuse et omniprésente.

Par principe, tout ce beau monde est évidemment hostile aux civils et militaires des sections de la MINUSTAH (casque bleus/opération de maintien de la paix), qui ne comprend rien aux enjeux humanitaires, malgré ces tentatives maladroites pour y contribuer.
Elle même, la MINUSTAH, prend les humanitaires pour des crétins, eux qui déboulent dans un pays qu'ils ne connaissent pas (elle qui est là depuis 2004 mais sous d'autres formes, depuis plus longtemps encore), dans un pays ravagé par l'assistansialisme vertical et qui voit encore s'importer des milliers petit kits de réponses toutes faites.

Par principe, le peuple Haïtien, tu comprendras aisément pourquoi, se méfie de ces petits mondes qui constituent la "réponse humanitaire".

Le peuple, les peuples devrais-je dire, regarde, attend, patiemment, et prend ce qu'il y a à prendre.
Sans pouvoir encore se payer le luxe d'envoyer bouler une bonne fois pour toute toute cette architecture lourde et décidément bien compliquée à intégrer...

Ne caricatures pas ma pensée: de trés utiles, très bonnes, indispensables choses sont accomplies au nom de ces différents mandats. Mais les débris d'Haiti mériteraient d'avantage de cohérence, de leadership et de respect mutuel comme des standards internationaux déja maintes fois accordés, amendés, expérimentés ailleurs comme de bonnes pratiques.

Par principe.