dimanche 3 octobre 2010

Domestiqué



Une de mes plus grosses sources d'inconfort et d'indignation plus ou moins "rentrée", ici, pour laquelle mon logiciel affectif n'étais pas bien "préparé", il faut le dire, est la situation des "employés"-esclaves haïtiens dans la région Caraïbe (ou les travailleurs haïtiens sont traités comme des chiens) comme dans l'ensemble de la capitale.

Sur PAP, ca rigole pas: il s'agit d'une domesticité effrayante, à l’échelle de la croissance tentaculaire de la ville, et qui y prend une place de plus en plus importante. Pas de famille plus ou moins aisée qui ne dispose de 3, 4, 6, 10 domestiques. Dont ces fameux enfants, les restaveks, "donnés" par leurs parents en espérant un avenir meilleur.

Certains expatriés humanitaires s’accommodent très bien, eux aussi, de ce système, héritage direct de la colonie, doit-on le rappeler aux fausses-bonnes âmes et sans démagogie ni exagération, en terme d'interprétation historico-culturelle…

60 à 100 dollars le mois pour tout te faire, hein, c’est pratique, et puis c’est de l’emploi, hein…Alors pourquoi se priver.

Certains collègues, issus de la grande bourgeoisie de certains pays du sud, les trouvent même vraiment peu enclins à l’initiative et peu dociles, décidément…Texto.

D'autres s'accommodent assez facilement de cette asymétrie inouïe entre l'expat et le domestique, entre celui qui détient toutes les manettes, tous les postes de contrôle, et celui qui se contente de sourire et d'en faire des tonnes, par à coups, quand le Maitre, Oui mewci anpil ma bonne Madame ou mon bon Monsieur, quand ils te regardent, toi et tes petits élans de survie mal placés, toi le gueux qui sourit...Ils sont si gentils...

Ah mais tu croyais que dans ce milieu là, de l’humanitaire, il n’y avait que des humanistes intégraux, bon teint ?

Avec de la cohérence entre ce qu'ils prêchent et ce qu'ils font dans leur intimité?

Mais pas plus tard que ce matin, j'ai recu un message d'un confrère qui me demandait comment négocier plus fort avec sa domestique, qui, tu comprends, demande une augmentation inouie de 10 dollars!!! Ce collègue palpe du 6000 dollars par mois...Logé-nourri-blanchi, qui plus est...

Viens par ici, tu verras par toi-même ou se trouve le bon teint, Celestin, le bon ton, ‘tain…Pas chez tous les humanitaires, non, je te le garantis.

T’en foutrais moi, des a priori. Ici c’est Ayiti, nos cadres conceptuels implosent, ici en Ayiti, tu verras, c’est, pour reprendre une expression 1er degr d’un UN hier, le "bonheur à donf pour une E duty station".
E étant la classification d'un pays très difficile, ce qui joue sur les primes salaires et autres avantages considérables de ce brave monde du Bien Commun Global.
Du bonheur à donf sur le dos de toute cette merde...Belle distance, belle pudeur et humillité...

Pendant ce temps là, demain, demain, c’est loin, pour le peuple ayitien et porto princien. Et notamment pour ces centaines de petites cohortes qui chaque lundi matin, se rendent en cheminant vers la maison du maitre que l'on ne quittera que le samedi suivant...Dans le mailleur des cas. Sinon c'est du 7/7.

Un jour, déchoukage, tout cela pètera.
Un jour, le domestiqué en finira de t'astiquer ton parterre et s'émancipera à brûle pourpoint, tcha qua ta...
Pour l'instant, il se tait, et jouera ses 10 dollars d'augmentation (évidemment, telle fut ma recommandation...) dans la loterie Lesly Center du coin.
En attendant le lendemain.

1 commentaire:

  1. A vomir, mais la réalité l'est souvent...
    Certains fustigent l'adoption, mais c'est un moindre mal, face au phénomène des restaveks : esclaves dans le premier pays qui a aboli l'esclavage 100000 avant le 12/01 combien aujourd'hui? Et des pourris trouvent cela normal, même le justifient!
    Mes timouns adoptés ont échappé à cela, non d'ailleurs ils devaient s'en doute plutôt mourir avant...sans ce vrai don d'amour de leurs parents de naissance.

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