mercredi 8 décembre 2010

Soirée d'élections

Une bonne sortie du Nouvelliste...

Il est 22 heures. La télévision nationale d'Haïti diffuse un concert de Michèle Torr. Des vieux tubes sur une musique datée.
Dehors ça tire. Des brasiers de pneus enfument le ciel quartier après quartier. Michel Martelly a annulé la conférence de presse qu'il devait donner à l'hôtel Ibo Lélé. Impossible pour lui d'arriver au nid d'aigle qui surplombe la ville. Les journalistes qui ont fait le pied de grue pendant quelques dizaines de minutes ont eu le temps d'échanger sur le panorama. Port-au-Prince est en crise. La province ne se porte pas mieux.
Prévus pour 18 heures, les résultats des élections présidentielles et législatives ont été proclamés vers 21 heures. Lus par un porte-parole du Conseil Electoral Provisoire seul, perdu, dans un décor de neuf chaises vides. Il a lu tous les résultats pour le pays. Sénateurs, députés et présidents, il a donné le classsement des prétendants.
Sitôt fini, le porte-parole s'éclipse, sans un mot. Pas le temps de prendre une question. D'apporter une précision. Les journalistes se précipitent sur leurs téléphones pour rentrer en contact avec leurs médias. Le présentateur de la Télévision nationale d'Haïti bâcle un résumé pour, lui aussi, mettre fin à la retransmission.
L'atmosphère est au sauve-qui-peut. C'est visible. D'ailleurs, dès quatre heures de l'après-midi, la ville inquiète avait envie de courir, de prendre la fuite, de se terrer, de s'enfermer. D'attendre que les résultats passent. Comme pour un ouragan.
Il est 22 heures. Personne ne sait de quoi demain sera fait. Les candidats admis au second tour, ceux recalés avec l'envie de se battre et ceux qui savaient déjà que rien de bon ne les attendait le jour de la proclamation des résultats : tout le monde se tait.
Pas de responsable du CEP. Pas de voix morale. Rien. Le silence et la rumeur de la foule qui occupe les rues alimentent l'angoisse.
24 ans devant la Télévision nationale que nous attendons que les choses se passent bien et que tout finit mal. Depuis le départ de Jean-Claude Duvalier le 7 février 1986, nous attendons certains soirs que le changement nous arrive d'un coup. Et le mieux avec.
Plus de 24 ans que nous essuyons des déceptions.
Signal FM multiplie les circuits de ses correspondants. Le chaos prend forme.
L'ambassade américaine est la première à réagir, avec une note de presse publiée à 22 heures 13.
Nous sommes le 7 décembre 2010. Michèle Torr chante encore sur la TNH.

mardi 7 décembre 2010

Les promesses n'engagent que ceux qui...



Le 12 janvier, cela fera un an que Port-au-Prince et ses environs ont été mis à terre par un séisme d'une violence inégalée. En ce mois de novembre, alors qu'une épidémie de choléra meurtrière se propage dans l'ensemble du pays (plus de 60 000 cas, 25 000 hospitalisations et un millier de morts), ce sont toujours plus d'un million de sinistrés qui continuent de survivre dans des conditions précaires dans des camps de fortune. Les Haïtiens ne survivent que grâce à l'aide extérieure. La reconstruction promise, et tant attendue, est en panne.

Il n'est pas étonnant dans de telles circonstances de voir depuis plusieurs semaines fuser les critiques publiques et parfois virulentes contre les étrangers, en premier lieu la Minustah, mais aussi parfois les humanitaires (pris au sens large), en raison de "leur inefficacité", "la lenteur de la reconstruction" ou encore par ce qu'ils seraient pour certains observateurs haïtiens le symbole "d'une occupation du pays qui doit cesser". En cette période pré et post électorale tellement sensible, qui concentre toutes les attentions des élites au pouvoir, ils se retrouvent pointés du doigt, boucs émissaires de toute la frustration accumulée ces derniers mois.

Pour autant, depuis le séisme, la population haïtienne survit grâce à la mobilisation et l'assistance des ONG et des agences des Nations unies, et grâce aux dons, privés dans leur majorité, reçus de la part de nombreux donateurs à travers le monde, qui permettent de financer des opérations humanitaires d'urgence massives depuis le 12 janvier. Sans minimiser l'immensité des besoins et la difficulté de la tâche pour les humanitaires parfois réduits au rôle de pompiers dans un pays très pauvre, dévasté, ceci bien avant le séisme, et toujours en état de choc. Comment dans ces conditions sortir de la logique de l'urgence, les catastrophes succédant les unes aux autres ?

Ce qui est en jeu à Haïti, c'est certes la poursuite nécessaire dans les mois à venir des secours dans un contexte de vulnérabilité extrême. Mais c'est surtout la reconstruction en panne, pourtant promise après la conférence de New York en mars, par les bailleurs internationaux et les Etats membres des Nations unies… Ces fameuses promesses, à hauteur de 10 milliards de dollars, pour "reconstruire en mieux" selon l'expression de Bill Clinton qui préside la commission de reconstruction d'Haïti.

Car si la réponse humanitaire d'urgence, même critiquée (et parfois pour de bonnes raisons), a permis un temps d'éviter le pire, et mobilisé de l'ordre de 3 milliards de dollars d'aide d'urgence (en grande partie des donations privées), les Etats, eux, sont bien loin du compte en matière de reconstruction. Seules quelques centaines de millions de dollars ont été, à ce jour, décaissées. Autant dire, rien.

L'instabilité politique chronique du pays ne les engage pas à en faire beaucoup plus, c'est vrai. Il n'est pas facile d'avoir confiance dans un Etat détruit, considéré déjà comme "défaillant" avant le 12 janvier. Sans parler du contexte de la crise économique et financière mondiale. Au final, on peut donc s'attendre à ce que le chèque attendu soit largement réduit. Rien de différent ici avec d'autres catastrophes naturelles médiatisées. Dans la majorité des cas, c'est moins d'un quart des promesses des bailleurs internationaux (les Etats et les institutions financières internationales et régionales), faites sous le coup de l'émotion médiatisée, qui sont effectivement versées. Pourquoi en serait-il autrement à Haïti ?

IL EST ENCORE TEMPS D'AGIR

Avant les élections de fin novembre, la colère l'emportant sur la désillusion, accuser les étrangers de ne pas en faire assez, voire d'être même, comme les soldats de la Minustah, à l'origine de l'épidémie de choléra n'a rien de surprenant. Après les urnes, faute de changements rapides de la situation comme on peut s'en douter, ils continueront certainement d'être accusés de freiner le renouveau du pays, de ne pas jouer le jeu de l'alternance politique, à moins que ne se développe la nostalgie du statu quo ante.

Pourtant, rien ne sert de se cacher la réalité. Celle d'un Etat toujours à terre qui ne se relèvera pas sans être aidé et soutenu. Celle des Etats membres de la communauté internationale qui sont loin d'avoir tenu leurs promesses et, faute de mieux, n'envisagent, semble-t-il, l'assistance à Haïti qu'au travers des programmes d'urgence. Celle, enfin, des humanitaires, des secouristes étrangers, bien heureusement toujours actifs sur le terrain, dénonçant désormais, à juste titre, une réponse internationale inadaptée face à l'épidémie de choléra qui se propage. Des secouristes aussi submergés par l'immensité de la tâche qui leur est confiée, qui se situe bien au-delà de leurs réelles responsabilités et capacités en matière notamment de reconstruction et de lutte contre la pauvreté. Comme nous le rappelle les équipes haïtiennes et expatriées de Médecins du monde tous les jours, leurs actions restent essentielles face à la tragédie actuelle ; elles sont appelées par les sinistrés à se poursuivre dans les circonstances actuelles. Mais cela ne saurait remplacer le rôle central de l'Etat et des bailleurs publics internationaux.

Car, si les promesses faites en matière de reconstruction ne sont pas tenues, on peut imaginer, sans trop se tromper, ce qu'il adviendra demain : un second séisme, celui-ci économique et social. S'éloignera alors l'opportunité, tellement clamée, de sortir Haïti de la pauvreté. A chaque nouvelle catastrophe qui frappera le pays, seules des réponses ponctuelle prises dans l'urgence seront opposées, sans se poser plus de questions. Le séisme du 12 janvier n'aura été qu'une tragédie de plus dans l'histoire d'Haïti. Pourtant, il est encore temps d'agir et de tenir les promesses faites aux haïtiens.




Dr Olivier Bernard, président de Médecins du monde, et Pierre Salignon, directeur général à l'action humanitaire de Médecins du monde

dimanche 28 novembre 2010

Elections en Haïti: se mon...




Deye mon, se mon
Derrière la montagne, il y a une montagne.
Proverbe local de la résignation, de ceux qui triment et trinquent encore sous les coups, cruels, de trique? Proverbe plutôt de la lucidité, de ceux qui ont la mémoire comme l'expérience, dans l'errance de leur pays?

Ce soir, je me pose la question, là, comme un con, avec l'hélico MINUSTAH qui virevolte au dessus de nous.

Chaque semaine, un nouveau défi structurel, une nouvelle tuile, une nouvelle merde.

Que dirions-nous, au menu plutôt chaw'gé de cette auberge un peu folle qu'est devenue ce pays, d'un incontrôlable mouvement d'instabilité sociale et de colère post-électorale?
Mmmmmmmmmmmmh? Je vous en sers une louche?

Car douze des 18 candidats à l'élection présidentielle haïtienne, dont le premier tour avait lieu aujourd'hui, ce dimanche, ont réclamé son annulation en faisant état de fraudes massives. Ce qui pourrait déboucher sur de graves paralysies, voire sur de graves affrontements.

Le groupe comprend les principaux candidats de l'opposition à la présidence, y compris la dame ex Première Dame qui souhaite devenir Dame Première, le Chanteur rose fluo excentrique Sweet Micki/Martelly, batteleur démago et Céant, l'ancien poto d'Aristido, candidats dont beaucoup avaient déjà accusé la coalition du président René Préval, Inite (Unité), et son pourri de Célestin, de chercher à l'emporter par des moyens frauduleux. Les quelques rares analystes Minustah que j'ai croisé ces derniers mois m'ont tous confirmé que Préval est prêt à tout pour perdurer, via son dauphin. Ce qui me laissait songeur sur son besoin de laisser "pourrir" la situation humanitaire, qui expliquerait largement sa totale passivité. Manne internationale oblige...

L'appel des douze candidats fait suite à des scènes de chaos et de confusion dans de nombreux bureaux de vote de Port-au-Prince, la capitale, et des provinces, où des électeurs furieux de ne pas pouvoir voter ont saccagé des bureaux de vote. Et tiré quelques salves, pour la route.

Ces manifestations témoignent de sérieux problèmes d'organisation que l'on sent comme...organisés...

Des collègues humanitaires, déçus, amers, me disent que ce pays n'est même pas kapab de faire voter 4,7 millions de personnes. Alors pour les défis de la reconstruction, autrement plus complexes. Je les comprends. Mais je les emmerde.

Aussi complexes que préoccupantes, ces situations de "sous développement" du politique ici semblent décourager beaucoup de ceux qui jusqu’ici s’efforcaient de les comprendre; c’est aux victimes elles même qu’il conviendrait d’en imputer la responsabilité.

Sauvages. Cons. Ces Haïtiens.
Pas kapab de rien. Ces gueux.

Au fonds, c'est ce qu'ils disent. Malgré leurs dénégations d'hommes et femmes dits progressistes, car "en tenue humanitaire" (comme si notre milieu n'avait pas son lot de fachos, de réac, de connards et de cyniques rapaces opportunistes).

De l'autre côté, en termes de déni, le chef de la mission de l'ONU en Haïti (Minustah), parlait de "climat serein et apaisé", malgré les craintes de fraudes. Aujourd'hui, de "fête démocratique" et d'incidents mineurs...

Moi j'entends des coups de feu qui claquent.
Je prétends pas comprendre mieux que ce petit monde mais j'en ai vu, dans ma "carrière", des pays instables et des corps à corps interminable, au goût de sang, de plomb, de larmes et d'urnes bourrées...

Et à l'heure ou j'écris ces lignes futiles, les 110 observateurs de l'OEA, à 400 dollars par jour (oui oui, je sais, dont quelques jeunes français et québécois), sont sans doute en train de préparer le communiqué pré-paré, pré-mâché, pré-digéré pour dire que "tout va bien dans cette belle fête démocratique".

Et si, cette fois, face à temps de veulerie, ça pétait vraiment?

lundi 15 novembre 2010

L'odeur de la terre



Au début, on ne sent presque rien.
Mais quand la pluie commence à gronder, l’odeur monte, piti piti. L’odeur de la terre.

La mangue sent la mangue. L’ananas sent l’ananas. Le cachiman sent le cachiman.
La terre sent la terre.

Et c’est délicieux.

Ici au quotidien, dans et autour des camps de déplacés, dans les quartiers affectés et non affectés, ça pue la merde, les ordures, le vibrion cholérique et les chimères coléreuses, l'avenir bouché,
ça pue la mort,
ça pue l'indigne,
les égouts à ciel ouvert, les déchets organiques et les canapés verts,
ça pue les espoirs déchus, le moisi et les questions de plus en plus inoccultables: ou est passé le pognon promis?

Parce qu'ici, on ne sent plus trop la terre.
Parce qu'au prétexte que ça pue la non vie, on devrait se laisser aller à omettre les saillies, violentes, lumineuses, les éclats, les fragments, sublimes, de Bon, de Beau, de Délicieux? Hein? Parce que mes états d'ame sont pour toi Eric comme les etats d'A...Pardon.
Parce que mes états d'âme mi tendre mi amer sur ce sublime métier à la con m'empêcheraient de déceler, désormais, le beau sous l'immonde, la rose et le rhéséda sous le purin, la grandeur sous le prurit?

L'odeur de la terre.
Le bruit mouillé d'un bisous spontané d'un timoun.

C'est pour ça aussi qu'on est là. Non?
Ceux qui nous servent le discours "engagement-sacrifiel", je serais toi, je m'en méfierais...
On est là, on tient, aussi, parce que ça nous plait follement et qu'on est encore capable d'apprécier l'odeur de la terre sous la couche de merde, endogène comme importée.

Le Beau. Le Vrai.
Qu'on oublie, parfois, dans tout ce fatras, dans tout ce fracas de catastrophitis agudis.

Que j'oublierai, en bon soldat de l'humanitaire, de perm ce Noel dans mon chez moi natal.

Je profiterai de ton sédentarisme comme toi de mon voyage, là bas : cette vie si bien organisée nourrit la partie de moi-même qui aurait besoin d’immobilité pendant que je nourris l’autre. J’y viendrai bientôt, à cette pause. Pour le moment, il faut voir des têtes, flairer, brasser des gens, visiter, s’enquérir, tâter , pour faire rendre un maximum aux 6, 8, 12 mois que je compte encore passer ici.

L'odeur de la terre, aux temps du choléra...

vendredi 12 novembre 2010

Elle est sans doute bien placee pour denoncer...Non, en fait, pas du tout




Michaëlle Jean dénonce l’imposture de l’aide internationale à Haïti


PARIS.
Michaëlle Jean dénonce l’imposture de l’aide internationale à Haïti
L’ancienne gouverneure générale (du Canada, ignare de teuton/batave/fromage qui pue/buveur de leffe) n’y est pas allée de main morte, en tapant sur les doigts d’une communauté internationale qu’elle a invitée à faire son constat d’échec en Haïti.

L’aide internationale a transformé ce pays en «un vaste laboratoire d’essais et d’erreurs», a dénoncé Michaëlle Jean dans ses premières déclarations d’Envoyée spéciale de l’UNESCO en Haïti. Elle a été investie en début de semaine dans ces nouvelles fonctions.

Une fois de plus Michaëlle Jean a donné le ton de ce que sera cette nouvelle fonction qu’elle occupera durant les quatre prochaines années. Très sensible à la cause d’Haïti, son pays d’origine, elle a commencé par dire sa vérité à cette communauté qu’elle va représenter. Il fallait qu’elle lui dise que les stratégies utilisées dans ce pays, depuis des dizaines d’années, n’ont absolument rien donné, parce qu’il n’y a jamais eu de volonté politique réelle d’y réaliser quelque chose de durable.

La communauté internationale s’est cassée la gueule à répétition en Haïti depuis les années 1980, en voulant imposer à tout prix des politiques inadaptées des «développementeurs». Les «fameux Chicago Boys» qui ont exigé la fin des barrières tarifaires et qui ont obtenu en bout de ligne la fin de la production nationale haïtienne. La privatisation des principales industries nationales comme la HASCO (sucre), l’ENAOL (huile), la Minoterie (farine), Ciment d’Haïti et la filière du riz ont laissé un pays complètement à genoux devant l’aide internationale. Aujourd’hui tout doit être importé en Haïti, pour satisfaire un marché complètement tourné vers l’extérieur.

Sans le dire clairement, le message de Michaëlle Jean est aussi un appel aux classes dirigeantes haïtiennes, car les «développementeurs» n’auraient pas pu transformer ce pays en «laboratoire d’échecs» sans l’aide active de nationaux incapables de s’entendre minimalement sur un projet commun de développement.

dimanche 7 novembre 2010

Port au Principe



Par principe.
Presque, comme un réflexe conditionné, mêlant reliquat Pavlovien et l'automatisme de caste, défense spontanée de sa catégorie, de son rang, de sa corporation et réserve par rapport à "l'autre" acteur, quel qu'il soit.

Par principe.
Dès que l'on a une casquette, un drapeau, un mandat humanitaire spécifique, on l'adopte et l'on s'y tient fermement.
On rentre, insidieusement d'abord, puis de plein pied, dans le réflexe corporate, défensif. Presque malgré soi. Et dans la division, extrême et fragmentée, proprement inouïe, des secteurs, des enjeux, des acteurs.

On défend la maison, la Marque serais-je même tenté de dire (en ces temps de libéralisme très, trop facilement triomphateur, y compris dans le champs humanitaire).
Par principe.

Par principe, les humanitaires UN, donc (OCHA, UNICEF, PNUD, PAM, que sais-je encore) méprisent les ONG internationales (Care, Save, MSF etc...) qui ne pèsent rien décidément dans les décisions vraiment importantes.
Par principe, les ONG internationale conchient les UN, ces bureaucrates trop payés et déconnectés du terrain.
Par principe, les ONG nationales sont indifférents aux UN et rentrent dans une dynamique d'attraction/répulsion perverse avec ces ONG Internationales (le premier mouvement par nécessité de survie, vue la manne financière en jeu; le deuxième par lucidité souverainiste et expérience).
Par principe, les autorités sont encore d'avantage affaiblies, et se noient au milieu de cette puissance diffuse et omniprésente.

Par principe, tout ce beau monde est évidemment hostile aux civils et militaires des sections de la MINUSTAH (casque bleus/opération de maintien de la paix), qui ne comprend rien aux enjeux humanitaires, malgré ces tentatives maladroites pour y contribuer.
Elle même, la MINUSTAH, prend les humanitaires pour des crétins, eux qui déboulent dans un pays qu'ils ne connaissent pas (elle qui est là depuis 2004 mais sous d'autres formes, depuis plus longtemps encore), dans un pays ravagé par l'assistansialisme vertical et qui voit encore s'importer des milliers petit kits de réponses toutes faites.

Par principe, le peuple Haïtien, tu comprendras aisément pourquoi, se méfie de ces petits mondes qui constituent la "réponse humanitaire".

Le peuple, les peuples devrais-je dire, regarde, attend, patiemment, et prend ce qu'il y a à prendre.
Sans pouvoir encore se payer le luxe d'envoyer bouler une bonne fois pour toute toute cette architecture lourde et décidément bien compliquée à intégrer...

Ne caricatures pas ma pensée: de trés utiles, très bonnes, indispensables choses sont accomplies au nom de ces différents mandats. Mais les débris d'Haiti mériteraient d'avantage de cohérence, de leadership et de respect mutuel comme des standards internationaux déja maintes fois accordés, amendés, expérimentés ailleurs comme de bonnes pratiques.

Par principe.

samedi 30 octobre 2010

Le drame des enfants haïtiens en République Dominicaine

Et de reprendre une de mes humanitaro-marottes, un de mes gros traqui-tracas, une de ces obsessions para-névrotiques avec lesquelles tu vas bien finir par te familiariser: mais bon sang, que fout l'UNICEF???

Ici, tout va bien, ou pire. Le Choléra, le cyclone Thomas qui se rapproche, la violence politique armé, qui monte gentiment. Et surtout, je dirais, une réponse humanitaire qui navigue toujours à vue, sans boussole, sans chef incontestable car incontesté, et qui se contente de dire: "bon, ben rentrez chez vous maintenant". Le return. Ils nous bassinent tous avec le return. Finies les tentes. Finis les services. Bientot on coupe l'eau dans les camps. Mais oui. C'est sérieux. C'est de "l'assistanat inopérant", voyez-vous. Le return. Après on verra, les promesses de lendemains qui permettront l'accès pour tous aux services de base. Demain, demain, toujours demain.
Mais retourner ou, pour la grosse majorité des 1,3 millions de déplacés?
Le return. T'en foutrais, moi, du return et de la "phase de transition-recovery-plus vraiment-early", de "retour aux fondamentaux du développement". Le climat en ce moment, dans le macrocosme Ayitien, c'est "Quick-quick, finis les humanitaires, place au livelihood-recoverien-recouvre rien: place aux vraies solutions et à la reconstruction".

Comme si l'urgence ne persistait pas derrière les vrais nécessités de trouver des solutions plus solides et pérennes.
Comme si les développementalistes savaient s'occuper et maitriser tous les problèmes avant le séisme.

Cette question du trafic d'être humains, de la traite, par exemple, des timouns et femmes haïtiennes dans le pays voisin (qui est surtout évoqué ici comme le pays lumineux du repos mérité du guerrier-humanitaire), n'est travaillé par quasiment aucune de ces organisations qui nous serine avec sa "fin de l'humanitaire".

Je me méfierais des promesses de solution toute faite.
Le logement social promis, sans parler d'abris transitoire, ca prendra, au mieux quinze ans. Alors, en attendant, ils vont ou les déplacés qui n'étaient pas proprio (soit grosso merdo les 85%) ?

Bref, a lire, cet article, sur les conséquences insoupçonnées de cette catastrophe, bagay là...

Le drame des enfants haïtiens en République Dominicaine, un article paru dans le Miami Herald


Le sort des mineurs haïtiens dans la partie Est de l'île d'Hispaniola. Triste réalité d'une immigration au forceps, assimilée à un plongeon dans l'inconnue. Les journalistes du Miami Herald, Gerardo Reyes et Jacqueline Charles ont enquêté sur la question : ces enfants mineurs trafiqués par les passeurs, sont souvent victimes d'exploitation sexuelle dans la localité de Boca Chica, haut lieu épicurien. Les gouvernements des deux pays semblent impuissants, tant la complicité entre passeurs et autorités frontalières des deux pays est grande. L'article ci-dessous, publié le 23 octobre 2010, est traduit de l'anglais par Belmondo Ndengué.









Haïti: Après avoir passé plusieurs jours affamée, Marie a fini par accepter les avances de plusieurs personnes au stationnement où elle quémandait, dans la ville touristique de Boca Chica (Sud de la République Dominicaine).

Cette jeune fille de 12 ans a avoué avoir eu des relations sexuelles avec plusieurs de ces dragueurs, parfois pour la modique somme d'un dollar américain, alors que ses cousines, âgées respectivement de 13 et 12 ans, demandaient de l'argent à des touristes européens et américains.

« J'avais faim, j'ai tout perdu ; nous ne savions que faire », a expliqué Marie pour justifier sa décision de se prostituer dans les rues de Boca Chica.

Les trois fillettes ont déclaré aux journalistes de El Nuevo Herald et du Miami Herald avoir quitté Port-au-Prince avec le support d'un passeur, après le tremblement de terre du 12 janvier 2010.

Aujourd'hui, ces enfants vendent à la sauvette, sous un soleil de plomb, des oeufs bouillis à 10 cents l'unité, sur l'Avenue Duarte, QG de la prostitution juvénile au coeur de Boca Chica. C'est à cet endroit que les haïtiennes qui viennent d'arriver s'offrent à des touristes rococo âgés.
L'histoire de Marie et de ses cousines ne constitue qu'un cas parmi tans d'autres. En effet, depuis le séisme du 12 janvier, plus de 7,300 enfants des deux sexes sont entrés clandestinement en République dominicaine avec la complicité de trafiquants ayant profité de leur situation de famine et de désespoir au sein de leurs familles.

Les statistiques révèlent qu'en 2009, ce chiffre était de 950, selon les organisations des droits de l'homme qui scrutent le trafic d'enfants aux dix points de passage recensés sur la frontière entre Haïti et la République dominicaine.

Plusieurs passeurs ont déclaré au Miami Herald qu'ils opéraient avec la collaboration des autorités mafieuses des deux pays. -une version qui corrobore avec celle de l'UNICEF et des organisations de défense des droits de l'enfant de part et d'autre de la frontière.

« Toutes les autorités connaissent les passeurs, mais ils ne les dénoncent pas. C'est une question qui ne va pas se résoudre du jour au lendemain, car les autorités impliquées verraient leurs sources de revenus tarir », a déclaré Regino Martínez, un jésuite de Solidarité frontalière dans la ville dominicaine de Dajabón.

Martínez a déploré cet état de chose, qui n'épargne aucun secteur, de la base, en passant par les groupes communautaires, jusqu'à la hiérarchie du CESFRONT, le Corps dominicain spécialisé en matière de sécurité frontalière.

Après le séisme dévastateur du 12 janvier, qui a fait quelques 300.000 morts, les dirigeants des deux pays ont appelé à la protection des enfants contre les velléités des trafiquants de tout bord, une situation qui ne date pas d'aujourd'hui.

Qui ne souvient pas du tollé provoqué par ce groupe de religieux américain, qui avait tenté de passer illégalement la frontière dominicaine avec 33 enfants haïtiens destinés prétendument à un orphelinat situé en République dominicaine ?
Un mois après, des trafiquants devaient, dans le plus grand secret, réussir à emporter 1.411 enfants hors d'Haïti, selon une organisation haïtienne de défense des droits de l'enfant.

Témoins occulaires

Des journalistes ont vu de leurs yeux des passeurs traversant la rivière avec des enfants, et les confiant à d'autres adultes qui, à leur tour, les transportaient sur des motocyclettes en direction des bidonvilles dominicains, à la barbe des garde-frontières.

Le premier ministre haïtien, Jean Max Bellerive, a reconnu qu' il n' y avait pas de volonté politique pour formaliser les contrôles sur la frontière poreuse de 230 milles qui séparent les deux pays, qu'il appelée un no man's land livré à tous les trafics.
« Personne n'a intérêt à voir se renforcer les contrôles sur la frontière », a fait savoir M. Bellerive au Miami Herald. « Il y a de part et d'autres des deux pays, des gens qui en tirent des avantages. »

Le président dominicain, Leonel Fernández, a décliné notre interview, mais son bureau nous a adressé un courriel dans lequel il affirmait que le gouvernement a intensifié les patrouilles au niveau de la frontière, inculpé et sanctionné tous les trafiquants. « Le gouvernement dominicain déplore tous les cas d' exploitation et de trafics de mineurs », relate ce courriel.

Les chiffres émanant des services d'immigration dominicains montrent qu'il n' y a eu que deux inculpations en 2006. Chaque mois, 800 enfants sont emmenés en République dominicaine par des points de passage de la frontière par un réseau de passeurs, selon des données de Jano Sikse du réseau frontalier (RFJS), qui veillent aux violations des droits de l'homme sur la frontière. Les passeurs touchent en moyenne $80 par personne.

Le patron de l'immigration dominicaine, le vice-amiral Sigfrido Pared, a dit que les chiffres avancés étaient exact, puisque même ses services ne traquent pas les passeurs.
« Il se pourrait, mais qu'il s'agisse de 10 ou 20 enfants est tout à fait troublant, parce que nous savons que les enfants qu'on traînent ici sont exploités dans les rues par des adultes Dominicains et Haïtiens. »

`Les trafiquants ont déclaré au Herald qu'ils sillonnaient ouvertement les deux pays avec des caravanes d'enfants, sous la protection des gardes-frontaliers, de soldats et d'agents de l'immigration.
Depuis février, les journalistes de El Nuevo Herald et du Miami Herald ont pu visiter les passages clandestins des chemins périleux que doivent emprunter les enfants. Continuer >

















Les enfants se tiennent par la main pour traverser les rivières et la jungle. Ils sont ensuite transportés à moto ou en bus. D'autres encore sont contraints à la marche pendant trois jours sans nourriture. Certains enfants sont kidnappés pour forcer leurs parents à payer la totalité des frais de voyage. Des enfants de deux ans ont même été abandonnés à mi-chemin par les passeurs.

Nelta, une haïtienne de 13 ans au physique maigre, a confié au journal Nuevo Herald, qu'elle a marché pendant trois jours en compagnie de deux autres filles pour atteindre la ville de Santiago de los Caballeros en République dominicaine. Elle ajouté qu'une passeuse les a abandonnées dans une cachette dans la ville, la seconde du pays.

« Quelqu'un m'a violé dans un abri », a dit Nelta, qui habitait la ville frontalière de Ounaminthe, avant de partir à l'insu de sa mère après le tremblement de terre.

« Je ne peux pas regagner mon pays les mains vides », a-t-elle dit à voix basse, pesant ses mots, du fait de la présence de la femme qui l'a emmenée en République dominicaine. Elle n'a survécu que grâce à la mendicité aux arrêts de véhicules aux abords des feux rouges. En août, elle a regagné son pays.

Weslin, sa compagne de voyage de 12 ans a indiqué qu'elle n'a pas été violée par la même personne parce qu'elle était obéissante.

' Les "buscones"(surnom donné aux trafiquants) livrent les enfants sur demande, mais aussi aux étrangers qui en sollicitent. « Tu choisis l'âge, le sexe, les capacités du type d'enfants que tu veux », a dit un trafiquant au Nuevo Herald.

Les drames survenus aux haïtiens de tous les âges en République dominicaine ne découragent pas les nouveaux candidats au départ. Selon Pared, 250.000 Haïtiens ont illégalement franchi la frontière cette année, où ils espèrent qu'il y a plus de boulots dans la construction, le tourisme et les services. En réalité, ils se trouvent dans les arrêts d'automobiles devant les feux rouges pour mendier aux heures de pointe, ou en train de vendre des arachides grillées dans la rue, sous l'oeil vigilant des adultes qui empochent le fruit de ces ventes.

Lois inappliquées

Les policiers dominicains voient sans réagir des centaines de mineurs haïtiens cirant les chaussures ou nettoyant les pare-brise des véhicules. D'autres encore fouillent des poubelles à la recherche d'objets ou de nourriture. De nombreuses filles finissent dans la prostitution dans la zone touristique de Boca Chica.
Un enfant haïtien de onze ans a déclaré au journal Herald que son ami et lui ont remis à un jeune homme de 17 ans, tout l'argent récolté lors du lavage de pare-brise sur l'immense avenue Lincoln à Santo Domingo. « Il nous a protège, nous offre de la nourriture. Nous habitons chez lui », a dit Tony, qui n' a pas souhaité révélé son nom de famille. Sa maman vit en Haïti.

Ces situations sont récurrentes, en dépit des accords et traités paraphés par les gouvernements des deux pays pour combattre le trafic d'enfants. Un rapport du Département d'Etat américain rendu public cette année a conclu que « Le gouvernement dominicain ne respecte pas les prescrits élémentaires pour l'élimination du trafic et ne fait pas d'efforts significatifs dans ce sens ».
Selon ce rapport, le gouvernement dominicain n'a inculpé aucun passeur, ni un fonctionnaire impliqués dans des activités illicites depuis 2007.
Le rapport ajoute que les résultats dans le domaine de la protection des victimes et la prévention du trafic sont insignifiants.

Pared, le directeur de l'immigration dominicain ont qualifié « d'excessifs » les informations fournies par le Département d'Etat américain, soulignant qu'en 2003, son pays a voté une loi pénalisant toute personne soupçonnée de se livrer au trafic d'enfants.

Toujours selon Pared, les deux plus récentes inculpations pour trafic d'enfants remontent à 2008 et 2006.
« Nous ne pouvons pas ne pas être blâmés, mais de sérieux efforts sont faits pour stopper cette pratique», a précisé Pared.

Un rapport confidentiel de l'UNICEF fait part de l'existence, depuis 2002, d'un réseau passeurs Haïtiens et Dominicains comprenant des chauffeurs et des membres des forces armées dominicaines.Des journalistes du Herald ont également pu observer à plusieurs reprises, au cours de cet été, des trafiquants en compagnie d'enfants dans la zone frontalière.

Le centre nerveux du trafic d'enfants se situe dans la partie Nord de la bouillante frontière de l'île d' Hispaniola, entre les villes de Dajabón -180 miles de Santo Domingo- et Ouanaminthe en Haïti, de part et d'autre de la Rivière Massacre.
Le marché-fourmilière bi-national de Dajabón a lieu tous les lundis et vendredis, en présence de milliers de marchands et d'acheteurs. C'est une excellente occasion pour les passeurs qui remettent généralement un dollar américain aux porteurs haïtiens, lesquels glissent subtilement cette somme aux militaires dominicains. Ces derniers feignent de regarder dans la direction opposée, pour laisser libre cours au passeur et à sa meute d'enfants, dans cette foule qui donne le vertige.

Des journalistes du Herald ont vu des adultes traverser avec des enfants les eaux de la rivière qui atteignaient leurs cuisses, quand ils n'empruntaient pas le pont, sans fournir ni explication, ni document aux agents de l'immigration comme requis par la loi.

Les passeurs déambulent à leur aise dans les rues de deux villes frontalières où l'on trouve des maisons de transit sécu pour cacher les enfants. La juge des mineurs de Dajabón a indiqué que pas un seul trafiquant a été inculpé l'année dernière.

Le CESFRONT ne fait son travail et je ne puis me jeter à la rivière pour arrêter les gens », a martelé Carmen Minaya, juge des mineurs.

dimanche 24 octobre 2010

Haïti au temps du choléra



Après avoir enduré les conquistadores massacreurs d'indiens, porteurs de la grippe espagnole, les dominicains, zélés évangélisateurs à marche forcé, déicides, la mise sous coupe réglé et l'esclavagisme forcené de sa population par les français,
après avoir subi le fer et le feu, les coups de trique du contremaitre comme les coups de triche du Maitre Impérial américain, les coups du sort d'un climat malveillant, souffert les coups d'Etat et les mises au cachot, les mise en coupe et les mises en bière, subi l'occupation des GIs et l'occupation de la MINUSTAH, le tremblement de terre, l'invasion ONGiste dont je suis par ailleurs partie prenante et la dictature, il ne manquait plus qu'une bonne vieille épidémie de choléra.

Déja 3000 affectés, 250 morts.

Ben voyons.

Les pleureuses du dimanche sont déjà de sortie. Plaintives. Et débiles: "décidément, pauvre pays maudit...".
Les discours fatalistes et misérabilistes sur ce pays commencent vraiment à me seriner et me taper sur le coquillard. Rien de fatal, pas de destinée manifeste, point de hasard catastrophique et surtout, surtout, pas de "malédiction" pour ce pays.

Non. Car vois-tu, ma chère, mon brave, la chaîne du choléra, c’est l’eau potable ET l’assainissement. Simple.

Ce sont des droits, des services de base, absents en Artibonite, le grenier du pays si, si pauvre et vulnérable, sans réforme agraire ni investissements de bases, et région encore plus fragilisée depuis qu'elle a reçu solidairement de nombreux déplacés du 12 janvier.

Point de fatalité. C'est du choix. Du choix politique. Pas de services, pagen eau pour toi, neg' des mornes, paysan pouilleux, gueux, neg zabitan. Crèves!
La paysannerie Haitienne a toujours été, volontairement, sacrifiée. Par les donations de riz des américains. Par l'élite politique (noire) sous la bienveillance de la vraie élite économique-réelle donc - (métisse/créole et partiellement, aussi, syrio-libanaise).

Pas d'eau, pas d'assainissement, rien.

La France qui compte les deux grands groupes qui font (bien ?) l’un et l’autre, eau + assainissement, devrait être plus "présente" sur le terrain pour lutter contre le "vibrion". Notre Président et son ministre des affaires étrangères pourraient peut-être se fendre d’une initiative...Non, je déconne. Pas rentable, les gueux de l'Artibonite. Quand on se targue de "piloter le G20", on n’a pas le droit de laisser "filer" une initiative entrprise/humanitaire. Non, je décone, bis.

Le choléra, c'est le manque d'eau potable + d'assainissement.
Simple, non?

On enverra au mieux quelques volontaires français CIVI service à la con, des post pubères qui ne savent ni queue ni pendre du contenu de leur mission (véridique, j'en connais un...) en débarquant ici, comme c'est le cas depuis quelques jours.

Quant à l'ONU, voila un test pour mesurer sa réactivité, sa coordination. Espérons que les entités responsables seront à la hauteur.

lundi 18 octobre 2010

Haiti n'existe pas



Voilà un livre qui donnera d’indispensables points de repère à celui, humanitaire et/ou/enfin quand meme un peu, non?/verra bien/et/ou humaniste, bref, celui et celle qui voudra dénouer l’écheveau brouillé des causes et des effets secouant actuellement cette île des Caraïbes. Christophe Wargny est d’ailleurs bien placé pour cela puisque, outre le fait d’être historien, il a eu l’occasion de travailler auprès du président Aristide, alors que ce dernier était en exil à Washington et qu’il incarnait encore les aspirations populaires à la justice et au changement social. Dramatique parcours dont il faut saisir « la dérive » et « le naufrage collectif » auquel il a conduit : « J’ai voulu moi aussi comprendre comment, en quelques années, la promesse s’est faite impasse ou même cauchemar ».

Pour y parvenir, Christophe Wargny reviendra bien sûr à quelques-uns des éléments fondateurs de l’histoire haïtienne : l’indépendance de 1804 « d’une singularité absolue », la longue « mise en quarantaine » qui s’en est suivie, puis l’occupation américaine de 1915 à 1934, enfin la longue dictature Duvalier qui « va marquer le pays au fer rouge ». Mais il s’attardera surtout à la période qu’il a connue de plus près (1991 à 2000) : celle qui a conduit Haïti des rêves d’une seconde indépendance à « une révolution avortée » puis à une véritable descente aux enfers. Et plutôt que de stigmatiser la responsabilité du seul Aristide – qu’il n’épargne pourtant pas – il cherchera d’abord à faire ressortir la complexité des facteurs en jeu : la culture de l’impunité et de l’absence de droit, les pressions états-uniennes et leurs diktats néolibéraux, les formidables problèmes économiques et environnementaux. Et, plus que tout, la terrible ignorance de l’Occident pour lequel « Haïti n’existe pas », sauf quand elle est en crise !

Sinon, les humanitaires qui lisent des livres sur Haiti ou apprennent les rudiments du Kreyole se comptent sur les...bouts de...moignon de rescapes. Deja, pour que certain se mettent au francais ou sortent du Lonely planet, on est deja dans le domaine de l'impensable, alors pensez-donc, le kreyole, alors pensez-donc, du Laferriere ou des essais socio-politiques pour comprendre un peu ce qu'on fout la...

Un jour viendra ou avant de deployer ces braves gens de l'humanitaires, petites mains comme gros et gras experts-gras - dans un sens biblique, hein, j'entends, pour le petit bout de 'gras'...-, on les obligera a lire et relire tout un kit socio-culturel sur le pays de destination et ''d'intervention''. Histoire de limiter la casse.

En voila une filiere qu'elle est porteuse de germes d'avenir, non? La preparation integrale au depart... Tiens, faudra que j'en touche un mot a nos ''stagiaires/volontaires de solidarite internationale et du progres pour un avenir radieux et cui et cui font les perruches guillerettes d'alegresse'', statut homologue, sous-payes voire point du tout: ca pourrait leur donner des idees de Consulting, eux qui seront bientot sur la paille...

En attendant, pour eux non plus, Haiti n'existe pas.

Et merci a P.Mouterde pour son lien...

vendredi 8 octobre 2010

C'est bien la justice qui donne sa certitude à l'ordre



Ce matin, en me rasant. L'Hypothèse à deux balles surgit: nos sociétés ouatées, feutrées, protectrices (pour combien de temps encore?) à Munchengladbach, Montréal ou Montpellier, ont grosso modo extirpé la violence extrême de leurs moeurs politiques.

Partant, en contraste, Haïti serait plutôt, comment dirais-je...D'un autre type.

On parle beaucoup de potentiel chaos, d'insurrection, du possible désordre pré- ou post-électoral en ce moment.
On parle beaucoup des possibilités d'affrontement, de troubles et tensions soudains, dans un pays ou la colère couve et gronde sourdement...

Le 28 novembre comme horizon, et beaucoup d 'incertitudes.

Certains humanitaires, certains partenaires, pensent tour à tour que les haïtiens sont résilients, sont trop soumis, sont courageux, ou trop vulnérables pour se battre constructivement contre ses élites actuelles et imposer un nouveau temps; certains pensent que la MINUSTAH interviendra pour rétablir l'ordre, d'autres pensent qu'elle sera dépassé et qu'il est temps, selon le bon vieil adage, que "ça pète enfin une bonne fois pour toutes". Comme un prolongement de 1804, achever l'inachevé, décoloniser les coeurs, les imaginaires, les corps même. Mais à ces apprentis sorciers de la spéculation insurrectionnelle, qui ne seront que spectateurs facilement évacuables et de facto évacués en un temps record, on est en droit de leur poser la question: quel sera le prix, le tribut du sang et des larmes? N'y a-t-il pas dautres alternatives que la rue en colère dans ce pays pour changer la donne? N'as tu jamais vu les dégats d'un conflit armé, de la haine ethnique ou partisance à son paroxysme? N'a tu jamais vu les tortures, les massacres, les pillages? Moi, d'autres ici, oui, nous avons vu et ne voulons plus voir cela. Nulle part.

Certains humanitaires, certains partenaires, pensent qu'un soulèvement, même limité, aurait des conséquences terribles, imprévisibles; d'autres que cette dynamique, même violente, aurait au moins l'avantage de changer le paradigme d'injustice sociale, de paralysie politique et d'indifférence totale au 1,5 million de déplacés et autres gueux qui ont fait irruption dans l'espace public du pays. Injustice, indifférence, paralysie, autant de tendances lourdes qui président encore aux destinées du pays de Préval et consorts. Mais quelle opposition? Quelle alternative?

Pour ma part, je n'en sais foutre rien.
Je sais juste que la question de l'ordre et de la justice a été posé mille fois dans l'histoire des hommes en marche. A d'autres époques, dans d'autres contextes, certes. Mais le discours "particulariste" sur l"insularité, la spécificité d'Ayiti, a aussi ses limites et commence même à me courir sur le haricot.
Il y a des leçons universelles dans les souffrances et les combats des hommes libres.
Non?

Je sais juste que la question de l'ordre et de la justice a été posé mille fois dans l'histoire des hommes en lutte. Et pas par les plus imbéciles de nos ainés. Je veux pour preuve, Tonton Camus, en 1944:



" On parle beaucoup d'ordre en ce moment (...)
Le résultat, c'est qu'on ne peut invoquer la nécessité de l'ordre pour imposer ses volontés. Car on prend ainsi le problème à l'envers. Il ne faut pas seulement exiger l'ordre pour bien gouverner, il faut bien gouverner pour réaliser le seul ordre qui ait du sens.
Ce n'est pas l'ordre qui renforce la justice, c'est la justice qui donne sa certitude à l'ordre.
(...)
Nous croyons ainsi qu'il est un ordre dont nous ne voulons pas parce qu'il consacrerait notre démission et la fin de l'espoir humain.
C'est pourquoi, si profondément décidés que nous soyons à aider la fondation d'un ordre enfin juste, il faut savoir aussi que nous sommes déterminés à rejeter pour toujours la célèbre phrase d'un faux grand homme et à déclarer que nous préférerons éternellement le désordre à l'injustice."
Extrait d'un article d'Albert CAMUS, paru dans "Combat" le 12 octobre 1944

dimanche 3 octobre 2010

Domestiqué



Une de mes plus grosses sources d'inconfort et d'indignation plus ou moins "rentrée", ici, pour laquelle mon logiciel affectif n'étais pas bien "préparé", il faut le dire, est la situation des "employés"-esclaves haïtiens dans la région Caraïbe (ou les travailleurs haïtiens sont traités comme des chiens) comme dans l'ensemble de la capitale.

Sur PAP, ca rigole pas: il s'agit d'une domesticité effrayante, à l’échelle de la croissance tentaculaire de la ville, et qui y prend une place de plus en plus importante. Pas de famille plus ou moins aisée qui ne dispose de 3, 4, 6, 10 domestiques. Dont ces fameux enfants, les restaveks, "donnés" par leurs parents en espérant un avenir meilleur.

Certains expatriés humanitaires s’accommodent très bien, eux aussi, de ce système, héritage direct de la colonie, doit-on le rappeler aux fausses-bonnes âmes et sans démagogie ni exagération, en terme d'interprétation historico-culturelle…

60 à 100 dollars le mois pour tout te faire, hein, c’est pratique, et puis c’est de l’emploi, hein…Alors pourquoi se priver.

Certains collègues, issus de la grande bourgeoisie de certains pays du sud, les trouvent même vraiment peu enclins à l’initiative et peu dociles, décidément…Texto.

D'autres s'accommodent assez facilement de cette asymétrie inouïe entre l'expat et le domestique, entre celui qui détient toutes les manettes, tous les postes de contrôle, et celui qui se contente de sourire et d'en faire des tonnes, par à coups, quand le Maitre, Oui mewci anpil ma bonne Madame ou mon bon Monsieur, quand ils te regardent, toi et tes petits élans de survie mal placés, toi le gueux qui sourit...Ils sont si gentils...

Ah mais tu croyais que dans ce milieu là, de l’humanitaire, il n’y avait que des humanistes intégraux, bon teint ?

Avec de la cohérence entre ce qu'ils prêchent et ce qu'ils font dans leur intimité?

Mais pas plus tard que ce matin, j'ai recu un message d'un confrère qui me demandait comment négocier plus fort avec sa domestique, qui, tu comprends, demande une augmentation inouie de 10 dollars!!! Ce collègue palpe du 6000 dollars par mois...Logé-nourri-blanchi, qui plus est...

Viens par ici, tu verras par toi-même ou se trouve le bon teint, Celestin, le bon ton, ‘tain…Pas chez tous les humanitaires, non, je te le garantis.

T’en foutrais moi, des a priori. Ici c’est Ayiti, nos cadres conceptuels implosent, ici en Ayiti, tu verras, c’est, pour reprendre une expression 1er degr d’un UN hier, le "bonheur à donf pour une E duty station".
E étant la classification d'un pays très difficile, ce qui joue sur les primes salaires et autres avantages considérables de ce brave monde du Bien Commun Global.
Du bonheur à donf sur le dos de toute cette merde...Belle distance, belle pudeur et humillité...

Pendant ce temps là, demain, demain, c’est loin, pour le peuple ayitien et porto princien. Et notamment pour ces centaines de petites cohortes qui chaque lundi matin, se rendent en cheminant vers la maison du maitre que l'on ne quittera que le samedi suivant...Dans le mailleur des cas. Sinon c'est du 7/7.

Un jour, déchoukage, tout cela pètera.
Un jour, le domestiqué en finira de t'astiquer ton parterre et s'émancipera à brûle pourpoint, tcha qua ta...
Pour l'instant, il se tait, et jouera ses 10 dollars d'augmentation (évidemment, telle fut ma recommandation...) dans la loterie Lesly Center du coin.
En attendant le lendemain.

dimanche 26 septembre 2010

Relations amicales



« Une persistance à mal se conduire ou une impuissance qui aboutit à un relâchement général propre à une nation civilisée peuvent rendre nécessaire à la fin, en Amérique comme ailleurs, l’intervention de quelque nation civilisée ».
Theodore Roosevelt, président des Etats-Unis, 1903, s'adressant au Congrès


« Haïti n’a pas été, à proprement parler, une colonie française, mais nous avons depuis longtemps des relations amicales... »

Jacques Chirac, Président de la République française, Pointe à Pitre, Guadeloupe, 10 mars 2000, s'adressant aux élus du Conseil Régional de Guadeloupe

« En Haïti, nous avons besoin de nous investir au moins dix ans. Et ce n’est pas seulement les Nations Unies qui le disent, mais la communauté internationale dans son ensemble. »
Sophie Boutaud de la Combe, porte parole de l’ONU, PaP, 24 novembre 2006, s'adressant à la presse internationale

« Mais, chers collègues ONGiens/ONUsiens/Clusteriens : êtes-vous bien certain de la pleine légitimité, pertinence de vos projets, là ? M’enfin, êtes vous bien sûr de savoir ce que vous foutez là, les gars ? Do no harm, hein, do no harm-ne pas faire de dommages, dit-on, comme Première des Règles de base pour toute intervention...hein ? Allo ? Y a quelqu’un pour réfléchir, là, ou bien ? Avant d’agir, je sais pas, les effets pervers, tout ça…Non ?
Herman, s'adressant à lui même, tout nu devant la glace, le 13 septembre 2010

Et enfin:
Konstitisyon se papie, baionet se fe
(la Constitution est en papier, les baïonnettes sont en acier).
La rue Ayitienne, s'adressant à nous tous, à notre capacité à comprendre la mémoire politique de ce peuple qui bout...

samedi 25 septembre 2010

Port au Prince et sa Morally Repugnant Elite




Acculé à se spécialiser dans la sous-traitance, d’une part par les américains qui y trouvaient leur compte en grande partie à cause d’une main d’œuvre bon marché (et c’est un putain d’euphémisme…), d’autre part à cause du manque d’audace et d’imagination des investisseurs et des dirigeants politiques haïtiens, Port au Prince était, bien avant la catastrophe (bagay la), une ville micro-industrieuse, centraliste à la vie à la mort, qui profitait peu au pays…Aujourd’hui, une ville par terre.

Entre temps, économiquement, rien ou presque, l’explosion notable de 3 sources essentielles de revenus pour l’élite moralement répugnante de cette ville, qui préside aux destinées du pays (NB : Morally Repugnant Elite - MRE, en sigles américains progressistes…si si, ca existe comme dénomination d’origine contrôlée qui plus est), qui sont :
1) la loterie…le loto quoi ; des enseignes partout, partout, Lesly Center, New York magic, dans les coins les plus reculés ; pas de piti pwofit, les pauvres peuvent bien raquer eux qui tiennent à coup de « demain »;
2) l’éducation et le business des écoles, éminemment lucratif, à tous les niveaux, depuis la maternelle jusqu’à la faculté, avec moultes promesses de cursus faisant miroiter le meilleur et le plus radieux des avenirs trilingues pour tous; et, bien sûr,
3) les maquiladoras, ou usines d'assemblage, à la frontière avec la République dominicaine notamment, ou la surexploitation est connue, acceptée, normalisée de et par tous.

Je rajouterai, pour la forme, le paradoxe des western union, ou centres de réception des transferts de fonds de la diaspora ayitienne, partout partout, à la fois le véritable matelas d’absorption, la soupape de décompression, la valvule de sécurité qui désamorce en continu les tensions explosives du pays, en transférant directement des fonds dans les poches et investissements des pauvres,
mais ce sont ces mêmes western union branches dont les chefs d’antenne s’engraissent à coups de commissions indues récoltées sur le dos, le front et la sueur des travailleurs de la canne à pis dominicaine ou du dominos pizz de Cayenne.

(relis donc cette phrase…oui, elle est incroyable, un vrai rappeur, je sais…)

C’est étonnant de constater que ces 3 "filières" économiques s’appuient sur cette tension entre marasme, détresse, dure, hardcore et sans limites vers l’abject,
cette cruelle existence de ce sous prolétariat urbain, aujourd’hui en partie déplacé sous des bâches usées jusqu’à la corde;
ET
ses mêmes aspirations universelles, simples, à un avenir meilleur, ailleurs, loin : loin, demain, le miracle du loto, loin, demain, c’est loin, l’avenir de mes enfants, alors oui, pas le choix, se saigner pour payer une éducation hors de prix, de merde, à plusieurs milliers de dollars par mois ; loin, demain, ailleurs, loin, le salaire qui me permettra d'économiser autres chose que ma survie, loin, le cousin, l'oncle qui envoie son pourcentage….Et qui engraisse les intermédiaires, de 7 à 13% les "muy hijos de puta", ces parasites…

Port au Prince, dite PAP pour les intimes, qui malgré l’occupation américaine, qui dura bien 15 ans (je dis ca de mémoire…peut-être me trompe-je...), pouvait devenir une grande capitale dans les années 20 et 30, resta par la suite une métropole sous développée ou, comme on dit de façon pudique, très dépendante.

La dictature des Duvalier, père et fils, qui finirent sur la Côte d’Azur avec le magot, les fausses promesses et dés-illusions du Père Aristide 1 et 2, sont aussi passées par là.

Aujourd’hui, il faut signaler l’inflation galopante due à l’omniprésence de nous autres, les blancs venus qui en ONG, qui en ONU, qui en touriste humanitaire, n’arrange rien à l’affaire tout en contribuant à résoudre des problèmes d’habitat pour le 1,5 millions de déplacés-sans-abris. Vas comprendre ce paradoxe de plus…

Et malgré tout, PAP, cette vieille peau délavée, je l'aime, oui, je l'aime...

mercredi 22 septembre 2010

Titide Aristide, version 1987



Travailler aupres, aux cotes, avec, plutot que ''pour'', oui, j'insiste sur cette croquinette de nuance, travailler aux cotes des haitiennes et haitiens donc, me permet, malgre les frustrations qui sont legion pour les acteurs humanitaires par ici, de rencontrer d'etonnants et attachants personnages...

Notamment T...Militant hargneux de cette generation decue, sacrifiee de 1986 et l'apres baby Doc, l'apres dictature, ou tout devenait enfin possible.
Leur engagement aupres de Titide, des 1987...Et la deception quand les reves d'un pays plus juste, plus protecteur, se fracasserent sur l'ecueil du reel.
T. , son amertume et sa rage contenue, aujourd'hui, en evoquant ce que sont devenus ces mouvemenst d'espoir. Ce qu'est devenu Titide, en 2004...Ce que lui meme est devenu, dans ce pays en lambeaux. Un vendu, me dit-il, je suis devenu un vendu...

Quelle ne fut pas sa suprise et son emotion quand je partagai avec lui ce reportage de l'émission Temps présent, diffusé en mars 1987, qui dresse le portrait de la situation politique et économique d'Haïti d'alors. On assiste ainsi au sermon du très charismatique curé des bidonvilles Jean-Bertrand Aristide, surnommé «Titide», avant son accession à la présidence quelques annees plus tard...

Le voici ici, a voir a tout prix.

Et la petite machine a moudre les souvenirs et les paroles se mit en branle. Il me raconta tout, cette epoque, cette eglise, cette vague d'esperance.

Le meme jour, j'evoquai ce petit documentaire aupres de quelques confreres ONGiens ...La moitie ne savait pas qui etait Aristide.

Ils travaillent en Haiti. Ils sont la pour plusieurs mois.

Les bras m'en tombent, toujours, a chaque fois...Haiti n'est plus une histoire, tourmentee: c'est un playground, un terrain de jeu humanitaire, pour certains...

POur les autres, ecoutez le Titid de l'epoque. Etonnant voyage d ans le temps...

samedi 4 septembre 2010

L'anti-Abécédaire de l'Humanitaire




Allumé à Ayiti, avec ACF,
Bang-bangué à Bangui, avec BIOforce
Cramé en Crimée, avec CCFD
Decker à Dakar, avec DDE

C’est l’anti-ABCD de l’humanitaire.

Embuscadé à hEbron, avec les E-Peace Brigades
Foutu en France, avec Fillon Inc.
Gazé à Gaza, avec GOAL,

Habité à Haïti, avec HI
Inspiré en Ituri, avec IRC
Jouisseur à Juliaca, avec JRS,

Karbonisé à Kandahar, avec Koncern,
Libidineux en Lybie, avec LLL
Médiateur en Macédoine, avec MSF,

Néfaste au Népal, avec les New Mercy Missionaries,
Omniscient en Ossétie, avec l’OMS,
Perdu au Pérou, avec le PAM,

Qulbutant l’autochtone de Quito, avec des Quick projects
Rageur à Ramallah, avec RSF,
Stupéfait à San Andres, avec Solidarités,

Traqué en Terre Tamoul, avec Terre des hommes,
Ubuesque en Uganda, avec les UN
Vaseux à Victoria, avec VSF,

Winner à Washington, avec la WB,
Xénophobe inavoué au Xiapas, avec X ONG fantaisiste,
Yankee go home, avec tout le monde ;
Zélé en Zambie, avec Zave the Chicken.

De partout, de partout,
Dans n'importe quelle opération,
Avec n'importe quelle ONG ou OI,
Les prolos de l'humanitaire de mon acabit,
les plus lucides d'entre nous, en tout cas, oui, quelle prétention,
(mais certains sont vraiment dans les choux, faut dire, faut voir, hein,
c'est pas que j'veuille ruer dans les brancards moi,
mais bon,
degré zéro de réflexion, on agit, après on voit,
on se déploie, on prend, et on s'en va; y'en au un sacré gwo paqueto)

Et bien nous autres, toi, lectrice, lecteur adoré,
nous autres, nous nous demandons: mais c'est quoi bordel de merde que ce méga bagay là?
Quel est le sens de tout ce gâchis de bonnes volontés? Et de deniers publics? Et de petites économies de tant de braves gens de tant de pays?
Que fout-on en terme d'usage, de discernement, de tout ce fric, pour les sinistrés dont nous avons la responsabilité de, au moins, ne pas encore plus enfoncer voire même les aider à..survivre?

De partout, la question, lancinante, qui monte: sommes-nous les "bouzin", les putains en kreyole,
du Géopolitique? Sommes-nous uniquement le service après-vente, la fine pellicule d'humanisation marketté d'intérêts géostratégiques bien compris par nos donateurs, mais trop peu par nous autres, les petites mains de l'humanitaire?
Sommes nous uniquement les idiots utiles des puissances dominantes? USA en Haïti, France au Tchad-frontière Darfour, UK-UN driven, qui se taisent, en plein bombardements au Sri Lanka?
Et à quel prix? Pour les peuples que nous sommes censés "assister" ou accompagner, c'est selon?
Et pour notre propre santé mentale mais surtout, pour notre propre santé éthique?

Allumé à Ayiti, avec ACF,
Bang-bangué à Bangui, avec BIOforce
Cramé en Crimée, avec CCFD
Decker à Dakar, avec DDE...

Je suis fatigué, mais j'ai la rage.
Je suis frustré, mais j'aime cette contrainte là.
Je suis pas lassé, blasé, mon cynisme n'est qu'un grossier alibi pour masquer mon idéalisme encore à vif. J'y crois encore tellement que j'en fais un blog. Alors ne te méprends pas, Gaston.

Bref. Tu l'auras compris. Quand au réveil tu écris des trucs bizarres, comme ça, sur un carnet, depuis ton ccompound ou ta tente, juste pour toi...Pour ne pas oublier. Et que tu décides de "bloguer" pour la première fois, quelques mois plus tard. Et bien il te reste à faire tourner, amie, ami...I need your support: DONATE NOW for Herman, your favorite humanitarian prolo... Lettre H, comme HERMAN.

Allez, fais tourner, c'est du 100% non lucratif pour de vrai, cette fois, en plus...

Ce matin, un Jordanien...



Comme tant d’autres membres éminents du Global Charity Social Club globalisé (chatoyant Pantheon-Hall of Fame-Special mobilisation Task force regroupant pêle mêle Sean Penn, Nicole Kidman, Christina Aguilera, Ricky Martin etc etc), figures toi que
Chantal Goya, elle aussi, se trouve en tournée sur Haïti.

Mais je déconne pas en plus...

Allez, on reprend tous sa chanson fétiche:
« Ce matin, un Jordanien, a violé une fillette,
C’était une fillette, qui, vivait sous abri… ».

La rumeur, bien informée cette fois, court que des chèvres n’ont pas échappé à cette frénésie en bottes et uniforme UN…Je suis absolument sérieux et sûr de mes sources, par ailleurs.

Et oui, des membres des troupes de maintien de la paix, dits "Casques bleus", tu vois, le Bagay/Machin là, qui ont pour mandat de protéger les populations les plus vulnérables du pays, entre autres, dont les déplacés qui vivent en camps de fortune; et qui se retrouvent du côte des perprétateurs, des victimaires, en abusant tout à la fois de leur autorité, de l'opportunité qui se présente, d'une enfance ou deux comme ça, au passage. Ni vu, ni connu.

Et les plaintes des déplacés témoins ou ayant accompagné ces victimes, s'évaporeront sans doute d'elle même...Sans parler des menaces de ces mêmes salopards sur ceux qui tentent de clamer justice.
L’impunité prévaudra-t-elle ? Au mieux, ces gougnafiers seront renvoyés chez eux, ou ils pourront reprendre leur taquinage quotidien du gueux palestinien en toute quiétude...
La question à 1000 gourdes, qui préoccupe finalement très peu de monde par ici, me semble la suivante: le renvoi de ces brutes dans leur caserne d'origine est-elle une mesure juste et suffisante?

Les choses sont bien difficiles à caricaturer en la matière, nous dit-on...
Mais DPKO/Opérations Casques bleues ont tout de même un sacré record de violations de droits fondamentaux dans pas mal de pays, à y regarder de plus près.
Faut dire, Sri Lanka, Jordanie, Nepal...On a pas les militaires les plus human rights friendly ni les plus disciplinés par ici...

Il n’empêche, la sagesse populaire haïtienne, qu’on serait bien inspiré d’écouter parfois avec d’avantage de soin et d'empathie, nous dit par ici, et depuis 2004, que MINUSTAH=TOURISTAH.


Ce matin, un Jordanien, a violé une fillette...

samedi 28 août 2010

La UN Task Force Humanitaire en Haïti et le BULLSHIT approach

C'est toujours très facile de taper sur les UN.
Le risque de la caricature hâtive est là, au coin du bois.
Et pourtant, je vois vraiment pas pourquoi on devrait se priver quand la réalité surréaliste de certains meetings dépasse mille fois la fiction ou la parodie...
Il semblerait que ce type de comédies se joue vraiment, au quotidien, dans certaines enceintes UN en Haïti. Pour de vrai.
Etonnant non?
Enfin, c'est ce qu'il se dit...
Ca se passe ici. Un délice, à déguster lentement.

dimanche 22 août 2010

François Duvalier, Papa Doc




L'émission Continents sans visa, diffusée en octobre 1968 sur la TSR-en lien ici, propose un portrait unique, passionnant, terrifiant du président dictateur François Duvalier, surnommé «Papa Doc».
Son règne est marqué par la corruption généralisée et l'utilisation de milices privées, les tontons macoutes. Retour en archives sur cette tristement célèbre tranche de l'histoire d'Haïti: à voir...

L'autre jour, un humanitaire, ancien de la com, ici en poste pour une grosse machine, me faisait part de son étonnement, en remarquant à quel point la plupart des humanitaires qu'il côtoie se foutent complètement de l'histoire du pays, même l'histoire politique de ces dernières décennies, et ignorent complètement les funestes héritages de Papa et Baby Doc notamment...Il était proprement halluciné.

Il est plus facile pour le travailleur humanitaire lambda, à l'évidence, de râler hâtivement sur l'apparent manque d'initiative des haïtiens, sur leur passivité ou que sais-je encore, plutôt que de se plonger dans l'histoire tumultueuse de la violence ordinaire de ce pays, et ses effets dévastateurs sur les coeurs, les pratiques et les imaginaires...

Coco-qui-ne-lit-plus-que-des-handbooks-et-des toolkits-humanitaires, saches que cette "passivité" et "attitude peu collaborative" a pour double nom, en d'autres cieux moins cléments que les tiens:
RESISTANCE et SURVIE.

Sucre amer



« En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n’ayant plus que la moitié de son habit, c'est-à-dire un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite.
– Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là mon ami, dans l’état horrible où je te vois ?
– J’attends mon maitre M. Vanderdendur le fameux négociant, répondit le nègre. –Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t’a traité ainsi ?
– Oui monsieur, dit le nègre : c’est l’usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l’année ; quand nous travaillons aux sucreries et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe ; je me suis trouvé dans ces deux cas : c’est à ce prix que vous mangez votre sucre… »

Candide, de Voltaire


Toute ressemblance avec des habitus, structures de contrôle et méthodes en usage quelques siècles après ces écrits, serait, naturellement, purement fortuite

vendredi 20 août 2010

S'éduquer, à la lueur des réverbères



Ayiti, 85 pour cents d’analphabètes et illettrés…Ca, c'était avant Bagay, l’évènement, la cata badum-badum, c'est à dire le tremblement de terre en langue locale…
Aux carences propres du système éducatif (infrastructure désuète, vétuste, programmes mal adaptés, enseignants mal préparés qui ont parfois 15-16 ans, mal rémunérés, démotivés) s’ajoutent selon les milieux urbains ou ruraux d’autres facteurs : la distance à parcourir, à la campagne, pour atteindre l’école (par temps de pluie les routes, ou plutot chemins, sont transformés en bourbiers et les rivières en torrents infranchissables), la nécessité pour les enfants de participer très tôt aux activités des parents. En outre ces enfants appartiennent en général à des familles nombreuses qui habitent une maison exigüe comportant seulement une pièce ou deux, sans table de travail, sans électricité. Les plus courageux étudient à la lueur des rares réverbères encore debout, dans les rues ou chez des amis plus aisés. Se posent aussi les problèmes liés à l’alimentation, à la santé. Certains arrivent à l’école sans avoir mangé et doivent attendre chaque jour l’unique repas du soir pour apaiser leur faim. Chez ces enfants, ascètes par nécessité, on voit très vite se manifester, au cours des interminables heures de la journée, les signes de l’épuisement. Leur attention faiblit vite, et ils ont bientôt tendance à s’endormir. De nombreux parents, voulant épargner à leurs enfants pareilles tortures, renoncent à les envoyer à l’école…

Et que fait l’UNICEF dans tout ca, me demanderez-vous? Reconstruire des écoles, installer des centres psychosociaux dans les camps de déplacés, mettre en place des garderies pour que les milliers de mamans désormais seules notamment puissent survivre hors de leurs tentes, bâches, abris de fortune pendant que les enfants retournent en classe?

Non, non…UNICEF fait des posters géants, achètent des encarts disproportionnés comme celui en bas du HLM de ma mère, là bas, que j’ai vu lors de mes congés. Oui, un panneau énorme, ou de petits écoliers sont alignés, adorables, avec le chaos, les débris, de leur école (privée …) derrière eux…Comment ne pas donner ?

Mais des opérations concrètes, franchement, on est bien loin du compte.

Cela fait des années que j’ai réussi à convaincre mes amis et familles de ne plus acheter de cartes de vœux ni donner leurs ronds à UNICEF, vu que, hors quelques projets d’urgence immédiate, 70% de leurs investissements sont consacrés au fonctionnement de la machine en soi, au renouvellement du parc de ses 4x4, bref, à de l’autoréférence permanente…Nourrissons la bête, faisons de la com pour nourrir la machine pour...Le parfait cercle vicieux...

Toute personne dans ce milieu a des dizaines d'anecdotes sur les écarts abyssaux entre ce que communique de façon emphatique et tonitruante l'UNICEF sur leur action, et leur impact véritable dans la vie réelle des "vrais" gens...

UNICEF, c’est vraiment une immense escroquerie très, trop peu dénoncée…Ceux qui y sont gardent leur place bien au chaud, se taisent. Ceux qui sont en périphérie voient, taisent et ricanent. Et le quidam, gentil et docile donateur de Compiègne , de Lausanne ou de Quebec ville, continue de cracher son pognon, ému par la maquina ex marketing de tout premier niveau déployé systématiquement par ce monstre de la Com Humanitaire Globale…

Le bilan d’UNICEF, après 7 mois, mieux, le ratio pognon reçu=projets mis en œuvre est lamentable. Et Dieu sait si je suis souple et compréhensif quand aux difficultés…Mais là, nous sommes dans du lourd de chez lourd.

Sur l'éducatif, donnez 10 dollars sur des ONG spécialisées qui travaillent en même temps sur de l'incidence en politique publique, avec de vrais partenariats locaux, et vous y retrouverez vos petits. Donnez 10 dollars à l'UNICEF, vous aurez la satisfaction d'avoir engraissé encore un peu plus l'Obèse, Inefficace Machine à Niaiseries de l'agance des Nations Unies pour l'enfance...

jeudi 12 août 2010

Cap Haïtien




Cap Haïtien, fondée en 1670 au fond d’une large baie, sur la côte Nord d’Haïti, autrefois appelée Cap-Français, est le chef lieu du Département du Nord et autrefois la deuxième ville de la République d’Haïti par sa taille et son importance économique. A la fin du 18émé, dotée d’un port moderne qui pouvait abriter jusqu’à 600 bateaux, animée par une vie sociale et intellectuelle intense (salons littéraires, théatres, journaux, spectacles variés), cette ville fut avec ses 20 000 habitants l’une des plus brillantes d’Amérique. Le général Henri Christophe, futur Roi Christophe en 1806, y mit le feu en 1802, après avoir fait dire au Général Leclerc qui venait réoccuper le pays à la demande de Napoléon : « Si vous mettez à exécution vos menaces d’attaque, je ferai la résistance qui sied à un officier général. Au cas où la fortune de la guerre vous serait favorable, vous n’entrerez au Cap Français que lorsque la ville sera réduite en cendres…Vous n’êtes point mon chef ; je ne vous connais pas et ne pourrai par conséquent m’incliner devant vos pouvoirs que lorsqu’ils auront été reconnus par le gouverneur général Toussaint.
Quant à la perte de votre estime, je puis vous assurer, général, que je ne désire pas la gagner au prix que vous y mettez. »
Une façon fort élégante de lâcher un bon gros FUCK OFF BASTARDO IMPERIALISTA !
Cette ville qui a connu de nombreuses destructions causées soit par les guerres d’indépendance, soit par les incendies, soit par le séisme de 1843, soit par les guerres intestines, s’est relevée à chaque fois de ses ruines…
Ou presque...
Se relèvera-t-elle de l’exode façon boat people de sa jeunesse, sans issue, sans avenir, vers la Floride, la Jamaïque, la Guadeloupe ou les Bahamas ?

mercredi 11 août 2010

Ténacité



En Haïti la nature est toute de contrastes : tantôt exubérante, généreuse, tantôt aride, austère. L’homme, lui, doit travailler sans répit pour arracher à la terre de quoi vivre misérablement et il le fait avec un courage, une ténacité et une bonne humeur qui forcent l’admiration…

C'est tout habité par ses sensations quelle m'aborda, assez franchement, avec une candeur et une lourdeur désarmante. C'était il y a quelques mois. Jeune, européenne, jolie, un peu bécasse, en tout cas complètement dépassée par ce qu’elle vivait, tant d’un point de vue professionnel que psycho-sociologique. C’était sa première « mission » comme elle, comme nous, le disons tous. En mission...Avons-nous suffisamment de temps pour sentir, saisir l’ironie cruelle dans la parenté de cette notion avec nos lointains aïeux évangélisateurs, colonisateurs, pacificateurs, amen, dont le discours humanitaire officiel essaye pourtant en permanence de s’affranchir...Bref.

Cette mission, elle la vivait très mal, n’en dormait plus de tant de microtraumatismes internes à l'organisation, de vexations puériles, sentiments d’impuissance infantiles, mais tenait, tenait, encore et toujours, malgre son sentiment d’inutilité tout à fait reconnu, malgré son aveu d’être totalement incompétente en la matière, mais elle s’accrochait. Au début fasciné par cette obstination, voulant y voir quelque chose de beau, un engagement, un quichotequisme quelquonque, ou qq chose d’original, je lui demandai quelle était donc son ressort pour tenir le coup.

La réponse fut sybilline.
Le pognon. Les pépettes, les gourdes, le cash flow.
Car, tu comprends, en Europe, je ne trouverais jamais aucun boulot…J’ai même pas fini ma maitrise…En plus je parle pas français et je comprends rien aux réunions ou qu'on m’envoit, cong...même celles en anglais, hi hi…Ici, le pognon, je m’en mets plein de côté et franchement, c’était inespéré…Trop bien payée!

Voila.

Elle n’a pas 26 ans. Elle est bête à paitre, tourmentée, mais elle tient pour tenir. Je n'ai plus eu l'occasion de lui adresser la parole.

Oui, oui, condamnes moi, je ne suis pas un vrai humaniste et de surcroit, donneur de leçons.
Oui, oui, fais le.
Non, non, tu as raison, je n’aime pas les grosses belettes ou blaireaux de son espèce qui furent et sont légion par ici, depuis le 12 janvier.

Car, parfois, le contraste est là, trop visuel, trop dense, entre la survie et la surface, entre la lutte et la farce, entre le peuple de sans abris et la comédie humanitaire qui se trame ici...

Ce que la poésie veut dire




« Ou mande m cheri sa poyezi vle di ?
…Oun bann ti fraz pou chavire malè. »

Tu me demandes, chérie, ce que la poèsie veut dire ?
…Une série de petites phrases pour faire chavirer le malheur. »

dimanche 1 août 2010

Débris



L'aide, la solidarité internationale, l’humanitaire, ce champ d'activité et d'analyse étrange et méconnu, ce champ bizarre à l'impact économique, anthropologique, géographique, global, local, militaire, culturel, structurant comme acculturisant,
nécessaire,
inutile,
apolitique,
politique,
largement sous estimé comme acteur autonome, bref,
ce bordel de métier, là,
cette notion d'"HUMANITAIRE", irréductible, impossible à cerner de prime abord, est un défi pour le blogueur novice que je suis.

Qui plus est à Haïti, ce pays si...profond, violemment nuancé et à la mémoire fort longue...

Il est dur d'écrire, de trouver les mots pour décrire ce métier.
Il est dur d'écrire, de trouver les mots pour décrire Ayiti, Ayiti chérie.

L'humanitaire est bien souvent un champ très mal abordé, exploré, étudié par les journalistes et autres éditorialistes.
De même, l'humanitaire est une activité professionnelle ou trop idéalisée, ou trop décriée pour être tout à fait honnête pour les opinions de nos pays douillets.

Trop souvent, l’aide est considérée tout à la fois sous le prisme des Grandes Conférences sous l’égide des NNUU, de la dite diplomatie du cœur, des grands schémas macro-économiques, ou des grandes constructions théoriques stériles sur le mode « ONG VS souveraineté » ou « participation communautaire VS assistenssialisme paternaliste ».

Trop souvent, aussi, l'humanitaire renvoie à un vague caritativisme praliné de bon ton, qui engloberait le bénévolat de quartier, le chantier bibliothèque d'un mois de juillet en pays Dogon comme le vague et trouble tourisme humanitaire qui agite certains terrains (de jeux) post catastrophe...

Pourtant, l’humanitaire, ce sont surtout les "petites mains" des ONG voire des agences de l'ONU, ces professionnels, sur le terrain, au quotidien, qui s'efforcent de mettre en application des projets d'envergure certes très contrastés, très inégaux, mais qui ont le mérite d'exister et de nourrir, désormais, cette petite page...

Alors, oui. Ils font ça pour les autres tout autant que pour leur tronche.
La contradiction les habite, certes, comme tout un chacun (et sans doute même un peu plus que le quidam) dans ce monde d’apparat désenchanté.

Mais il s’agit bien de saisir que leur environnement de travail, extrême ; leurs motivations, les plus avancées comme les plus enfouies ; leur engagement, feint ou sincère ; leur compétence, très contrastée ; leur pertinence, très discutée ; leur image, très injustement écornée ou distorsion née par la foire médiatique ; leur métier, au final très méconnu ; et tant d’autres facettes ici abordées, les rend particulièrement singuliers, attachants, odieux, admirables, terriblement normaux, humains et pourtant totalement hors-cadre et rétifs à l’analyse cliché que l’on fait d’eux.

Eux, ce sont les humanitaires.

Cette mission, Haïti, sans doute la dernière car je suis décidément en fin de cycle, est le monstrueux aboutissement, l’énorme caricature d’une réponse humanitaire dans toute sa splendeur, dans toute sa démesure, dans toutes ses subtiles complexités qui parfois ne cachent que de biens simples et inavouables secrets. Grandeur et décadence de l’empire, de l’emprise des bons sentiments.

La réponse humanitaire en Haïti, c’est ici,
sur Débris, gravas, fragments,
C'est ici, sur Débris, poussière de pensées spontanées sur ce que je vois, tais et dis au quotidien depuis février 2010.

Débris d’Haïti, ou les humeurs et états d'âme d'une "petite main" de l'Humanitaire.

Lectrice, lecteur, bienvenu-e à toi...
Et je l'espère, ce sera du bon bagay...

Haïti, mère solitude



Ayiti,
Mère-solitude



« Soudain, un petit homme moustachu, coiffé d’un chapeau de paille et portant une culotte de plage bariolée, se tourne vers l’Oncle Gabriel. ‘Quel beau pays, dit-il, mais comme vous êtes pauvre ! Malgré tout vous donnez une impression d’enjouement et même de joie. Peut-on vous demander votre secret ?’ Instantanément, le sourire disparaît des lèvres de l’Oncle Gabriel. (…) et je l’entends grincer : ‘S’il vous plait, monsieur le touriste (humanitaire), ne touchez pas à notre joie. Nous côtoyons la mort quotidiennement et pourtant nous vivons dans un état inexplicable de joie; peut-être parce que nous gardons une secrète espérance au fonds de notre cœur. L’espérance est une herbe folle. Elle est indéracinable, tenace, violente. Ne touchez pas à notre joie et ne vous posez pas de questions sur ses causes, elles sont insaisissables…Monsieur le touriste (humanitaire), il y a un instant, j’étais jovial, accueillant, hospitalier, mais voila maintenant que la mélancolie et bientôt la colère vont monter en moi. »


Ayiti,
Mère-solitude

(d'après E.Ollivier)