samedi 28 août 2010

La UN Task Force Humanitaire en Haïti et le BULLSHIT approach

C'est toujours très facile de taper sur les UN.
Le risque de la caricature hâtive est là, au coin du bois.
Et pourtant, je vois vraiment pas pourquoi on devrait se priver quand la réalité surréaliste de certains meetings dépasse mille fois la fiction ou la parodie...
Il semblerait que ce type de comédies se joue vraiment, au quotidien, dans certaines enceintes UN en Haïti. Pour de vrai.
Etonnant non?
Enfin, c'est ce qu'il se dit...
Ca se passe ici. Un délice, à déguster lentement.

dimanche 22 août 2010

François Duvalier, Papa Doc




L'émission Continents sans visa, diffusée en octobre 1968 sur la TSR-en lien ici, propose un portrait unique, passionnant, terrifiant du président dictateur François Duvalier, surnommé «Papa Doc».
Son règne est marqué par la corruption généralisée et l'utilisation de milices privées, les tontons macoutes. Retour en archives sur cette tristement célèbre tranche de l'histoire d'Haïti: à voir...

L'autre jour, un humanitaire, ancien de la com, ici en poste pour une grosse machine, me faisait part de son étonnement, en remarquant à quel point la plupart des humanitaires qu'il côtoie se foutent complètement de l'histoire du pays, même l'histoire politique de ces dernières décennies, et ignorent complètement les funestes héritages de Papa et Baby Doc notamment...Il était proprement halluciné.

Il est plus facile pour le travailleur humanitaire lambda, à l'évidence, de râler hâtivement sur l'apparent manque d'initiative des haïtiens, sur leur passivité ou que sais-je encore, plutôt que de se plonger dans l'histoire tumultueuse de la violence ordinaire de ce pays, et ses effets dévastateurs sur les coeurs, les pratiques et les imaginaires...

Coco-qui-ne-lit-plus-que-des-handbooks-et-des toolkits-humanitaires, saches que cette "passivité" et "attitude peu collaborative" a pour double nom, en d'autres cieux moins cléments que les tiens:
RESISTANCE et SURVIE.

Sucre amer



« En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n’ayant plus que la moitié de son habit, c'est-à-dire un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite.
– Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là mon ami, dans l’état horrible où je te vois ?
– J’attends mon maitre M. Vanderdendur le fameux négociant, répondit le nègre. –Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t’a traité ainsi ?
– Oui monsieur, dit le nègre : c’est l’usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l’année ; quand nous travaillons aux sucreries et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe ; je me suis trouvé dans ces deux cas : c’est à ce prix que vous mangez votre sucre… »

Candide, de Voltaire


Toute ressemblance avec des habitus, structures de contrôle et méthodes en usage quelques siècles après ces écrits, serait, naturellement, purement fortuite

vendredi 20 août 2010

S'éduquer, à la lueur des réverbères



Ayiti, 85 pour cents d’analphabètes et illettrés…Ca, c'était avant Bagay, l’évènement, la cata badum-badum, c'est à dire le tremblement de terre en langue locale…
Aux carences propres du système éducatif (infrastructure désuète, vétuste, programmes mal adaptés, enseignants mal préparés qui ont parfois 15-16 ans, mal rémunérés, démotivés) s’ajoutent selon les milieux urbains ou ruraux d’autres facteurs : la distance à parcourir, à la campagne, pour atteindre l’école (par temps de pluie les routes, ou plutot chemins, sont transformés en bourbiers et les rivières en torrents infranchissables), la nécessité pour les enfants de participer très tôt aux activités des parents. En outre ces enfants appartiennent en général à des familles nombreuses qui habitent une maison exigüe comportant seulement une pièce ou deux, sans table de travail, sans électricité. Les plus courageux étudient à la lueur des rares réverbères encore debout, dans les rues ou chez des amis plus aisés. Se posent aussi les problèmes liés à l’alimentation, à la santé. Certains arrivent à l’école sans avoir mangé et doivent attendre chaque jour l’unique repas du soir pour apaiser leur faim. Chez ces enfants, ascètes par nécessité, on voit très vite se manifester, au cours des interminables heures de la journée, les signes de l’épuisement. Leur attention faiblit vite, et ils ont bientôt tendance à s’endormir. De nombreux parents, voulant épargner à leurs enfants pareilles tortures, renoncent à les envoyer à l’école…

Et que fait l’UNICEF dans tout ca, me demanderez-vous? Reconstruire des écoles, installer des centres psychosociaux dans les camps de déplacés, mettre en place des garderies pour que les milliers de mamans désormais seules notamment puissent survivre hors de leurs tentes, bâches, abris de fortune pendant que les enfants retournent en classe?

Non, non…UNICEF fait des posters géants, achètent des encarts disproportionnés comme celui en bas du HLM de ma mère, là bas, que j’ai vu lors de mes congés. Oui, un panneau énorme, ou de petits écoliers sont alignés, adorables, avec le chaos, les débris, de leur école (privée …) derrière eux…Comment ne pas donner ?

Mais des opérations concrètes, franchement, on est bien loin du compte.

Cela fait des années que j’ai réussi à convaincre mes amis et familles de ne plus acheter de cartes de vœux ni donner leurs ronds à UNICEF, vu que, hors quelques projets d’urgence immédiate, 70% de leurs investissements sont consacrés au fonctionnement de la machine en soi, au renouvellement du parc de ses 4x4, bref, à de l’autoréférence permanente…Nourrissons la bête, faisons de la com pour nourrir la machine pour...Le parfait cercle vicieux...

Toute personne dans ce milieu a des dizaines d'anecdotes sur les écarts abyssaux entre ce que communique de façon emphatique et tonitruante l'UNICEF sur leur action, et leur impact véritable dans la vie réelle des "vrais" gens...

UNICEF, c’est vraiment une immense escroquerie très, trop peu dénoncée…Ceux qui y sont gardent leur place bien au chaud, se taisent. Ceux qui sont en périphérie voient, taisent et ricanent. Et le quidam, gentil et docile donateur de Compiègne , de Lausanne ou de Quebec ville, continue de cracher son pognon, ému par la maquina ex marketing de tout premier niveau déployé systématiquement par ce monstre de la Com Humanitaire Globale…

Le bilan d’UNICEF, après 7 mois, mieux, le ratio pognon reçu=projets mis en œuvre est lamentable. Et Dieu sait si je suis souple et compréhensif quand aux difficultés…Mais là, nous sommes dans du lourd de chez lourd.

Sur l'éducatif, donnez 10 dollars sur des ONG spécialisées qui travaillent en même temps sur de l'incidence en politique publique, avec de vrais partenariats locaux, et vous y retrouverez vos petits. Donnez 10 dollars à l'UNICEF, vous aurez la satisfaction d'avoir engraissé encore un peu plus l'Obèse, Inefficace Machine à Niaiseries de l'agance des Nations Unies pour l'enfance...

jeudi 12 août 2010

Cap Haïtien




Cap Haïtien, fondée en 1670 au fond d’une large baie, sur la côte Nord d’Haïti, autrefois appelée Cap-Français, est le chef lieu du Département du Nord et autrefois la deuxième ville de la République d’Haïti par sa taille et son importance économique. A la fin du 18émé, dotée d’un port moderne qui pouvait abriter jusqu’à 600 bateaux, animée par une vie sociale et intellectuelle intense (salons littéraires, théatres, journaux, spectacles variés), cette ville fut avec ses 20 000 habitants l’une des plus brillantes d’Amérique. Le général Henri Christophe, futur Roi Christophe en 1806, y mit le feu en 1802, après avoir fait dire au Général Leclerc qui venait réoccuper le pays à la demande de Napoléon : « Si vous mettez à exécution vos menaces d’attaque, je ferai la résistance qui sied à un officier général. Au cas où la fortune de la guerre vous serait favorable, vous n’entrerez au Cap Français que lorsque la ville sera réduite en cendres…Vous n’êtes point mon chef ; je ne vous connais pas et ne pourrai par conséquent m’incliner devant vos pouvoirs que lorsqu’ils auront été reconnus par le gouverneur général Toussaint.
Quant à la perte de votre estime, je puis vous assurer, général, que je ne désire pas la gagner au prix que vous y mettez. »
Une façon fort élégante de lâcher un bon gros FUCK OFF BASTARDO IMPERIALISTA !
Cette ville qui a connu de nombreuses destructions causées soit par les guerres d’indépendance, soit par les incendies, soit par le séisme de 1843, soit par les guerres intestines, s’est relevée à chaque fois de ses ruines…
Ou presque...
Se relèvera-t-elle de l’exode façon boat people de sa jeunesse, sans issue, sans avenir, vers la Floride, la Jamaïque, la Guadeloupe ou les Bahamas ?

mercredi 11 août 2010

Ténacité



En Haïti la nature est toute de contrastes : tantôt exubérante, généreuse, tantôt aride, austère. L’homme, lui, doit travailler sans répit pour arracher à la terre de quoi vivre misérablement et il le fait avec un courage, une ténacité et une bonne humeur qui forcent l’admiration…

C'est tout habité par ses sensations quelle m'aborda, assez franchement, avec une candeur et une lourdeur désarmante. C'était il y a quelques mois. Jeune, européenne, jolie, un peu bécasse, en tout cas complètement dépassée par ce qu’elle vivait, tant d’un point de vue professionnel que psycho-sociologique. C’était sa première « mission » comme elle, comme nous, le disons tous. En mission...Avons-nous suffisamment de temps pour sentir, saisir l’ironie cruelle dans la parenté de cette notion avec nos lointains aïeux évangélisateurs, colonisateurs, pacificateurs, amen, dont le discours humanitaire officiel essaye pourtant en permanence de s’affranchir...Bref.

Cette mission, elle la vivait très mal, n’en dormait plus de tant de microtraumatismes internes à l'organisation, de vexations puériles, sentiments d’impuissance infantiles, mais tenait, tenait, encore et toujours, malgre son sentiment d’inutilité tout à fait reconnu, malgré son aveu d’être totalement incompétente en la matière, mais elle s’accrochait. Au début fasciné par cette obstination, voulant y voir quelque chose de beau, un engagement, un quichotequisme quelquonque, ou qq chose d’original, je lui demandai quelle était donc son ressort pour tenir le coup.

La réponse fut sybilline.
Le pognon. Les pépettes, les gourdes, le cash flow.
Car, tu comprends, en Europe, je ne trouverais jamais aucun boulot…J’ai même pas fini ma maitrise…En plus je parle pas français et je comprends rien aux réunions ou qu'on m’envoit, cong...même celles en anglais, hi hi…Ici, le pognon, je m’en mets plein de côté et franchement, c’était inespéré…Trop bien payée!

Voila.

Elle n’a pas 26 ans. Elle est bête à paitre, tourmentée, mais elle tient pour tenir. Je n'ai plus eu l'occasion de lui adresser la parole.

Oui, oui, condamnes moi, je ne suis pas un vrai humaniste et de surcroit, donneur de leçons.
Oui, oui, fais le.
Non, non, tu as raison, je n’aime pas les grosses belettes ou blaireaux de son espèce qui furent et sont légion par ici, depuis le 12 janvier.

Car, parfois, le contraste est là, trop visuel, trop dense, entre la survie et la surface, entre la lutte et la farce, entre le peuple de sans abris et la comédie humanitaire qui se trame ici...

Ce que la poésie veut dire




« Ou mande m cheri sa poyezi vle di ?
…Oun bann ti fraz pou chavire malè. »

Tu me demandes, chérie, ce que la poèsie veut dire ?
…Une série de petites phrases pour faire chavirer le malheur. »

dimanche 1 août 2010

Débris



L'aide, la solidarité internationale, l’humanitaire, ce champ d'activité et d'analyse étrange et méconnu, ce champ bizarre à l'impact économique, anthropologique, géographique, global, local, militaire, culturel, structurant comme acculturisant,
nécessaire,
inutile,
apolitique,
politique,
largement sous estimé comme acteur autonome, bref,
ce bordel de métier, là,
cette notion d'"HUMANITAIRE", irréductible, impossible à cerner de prime abord, est un défi pour le blogueur novice que je suis.

Qui plus est à Haïti, ce pays si...profond, violemment nuancé et à la mémoire fort longue...

Il est dur d'écrire, de trouver les mots pour décrire ce métier.
Il est dur d'écrire, de trouver les mots pour décrire Ayiti, Ayiti chérie.

L'humanitaire est bien souvent un champ très mal abordé, exploré, étudié par les journalistes et autres éditorialistes.
De même, l'humanitaire est une activité professionnelle ou trop idéalisée, ou trop décriée pour être tout à fait honnête pour les opinions de nos pays douillets.

Trop souvent, l’aide est considérée tout à la fois sous le prisme des Grandes Conférences sous l’égide des NNUU, de la dite diplomatie du cœur, des grands schémas macro-économiques, ou des grandes constructions théoriques stériles sur le mode « ONG VS souveraineté » ou « participation communautaire VS assistenssialisme paternaliste ».

Trop souvent, aussi, l'humanitaire renvoie à un vague caritativisme praliné de bon ton, qui engloberait le bénévolat de quartier, le chantier bibliothèque d'un mois de juillet en pays Dogon comme le vague et trouble tourisme humanitaire qui agite certains terrains (de jeux) post catastrophe...

Pourtant, l’humanitaire, ce sont surtout les "petites mains" des ONG voire des agences de l'ONU, ces professionnels, sur le terrain, au quotidien, qui s'efforcent de mettre en application des projets d'envergure certes très contrastés, très inégaux, mais qui ont le mérite d'exister et de nourrir, désormais, cette petite page...

Alors, oui. Ils font ça pour les autres tout autant que pour leur tronche.
La contradiction les habite, certes, comme tout un chacun (et sans doute même un peu plus que le quidam) dans ce monde d’apparat désenchanté.

Mais il s’agit bien de saisir que leur environnement de travail, extrême ; leurs motivations, les plus avancées comme les plus enfouies ; leur engagement, feint ou sincère ; leur compétence, très contrastée ; leur pertinence, très discutée ; leur image, très injustement écornée ou distorsion née par la foire médiatique ; leur métier, au final très méconnu ; et tant d’autres facettes ici abordées, les rend particulièrement singuliers, attachants, odieux, admirables, terriblement normaux, humains et pourtant totalement hors-cadre et rétifs à l’analyse cliché que l’on fait d’eux.

Eux, ce sont les humanitaires.

Cette mission, Haïti, sans doute la dernière car je suis décidément en fin de cycle, est le monstrueux aboutissement, l’énorme caricature d’une réponse humanitaire dans toute sa splendeur, dans toute sa démesure, dans toutes ses subtiles complexités qui parfois ne cachent que de biens simples et inavouables secrets. Grandeur et décadence de l’empire, de l’emprise des bons sentiments.

La réponse humanitaire en Haïti, c’est ici,
sur Débris, gravas, fragments,
C'est ici, sur Débris, poussière de pensées spontanées sur ce que je vois, tais et dis au quotidien depuis février 2010.

Débris d’Haïti, ou les humeurs et états d'âme d'une "petite main" de l'Humanitaire.

Lectrice, lecteur, bienvenu-e à toi...
Et je l'espère, ce sera du bon bagay...

Haïti, mère solitude



Ayiti,
Mère-solitude



« Soudain, un petit homme moustachu, coiffé d’un chapeau de paille et portant une culotte de plage bariolée, se tourne vers l’Oncle Gabriel. ‘Quel beau pays, dit-il, mais comme vous êtes pauvre ! Malgré tout vous donnez une impression d’enjouement et même de joie. Peut-on vous demander votre secret ?’ Instantanément, le sourire disparaît des lèvres de l’Oncle Gabriel. (…) et je l’entends grincer : ‘S’il vous plait, monsieur le touriste (humanitaire), ne touchez pas à notre joie. Nous côtoyons la mort quotidiennement et pourtant nous vivons dans un état inexplicable de joie; peut-être parce que nous gardons une secrète espérance au fonds de notre cœur. L’espérance est une herbe folle. Elle est indéracinable, tenace, violente. Ne touchez pas à notre joie et ne vous posez pas de questions sur ses causes, elles sont insaisissables…Monsieur le touriste (humanitaire), il y a un instant, j’étais jovial, accueillant, hospitalier, mais voila maintenant que la mélancolie et bientôt la colère vont monter en moi. »


Ayiti,
Mère-solitude

(d'après E.Ollivier)