samedi 25 septembre 2010

Port au Prince et sa Morally Repugnant Elite




Acculé à se spécialiser dans la sous-traitance, d’une part par les américains qui y trouvaient leur compte en grande partie à cause d’une main d’œuvre bon marché (et c’est un putain d’euphémisme…), d’autre part à cause du manque d’audace et d’imagination des investisseurs et des dirigeants politiques haïtiens, Port au Prince était, bien avant la catastrophe (bagay la), une ville micro-industrieuse, centraliste à la vie à la mort, qui profitait peu au pays…Aujourd’hui, une ville par terre.

Entre temps, économiquement, rien ou presque, l’explosion notable de 3 sources essentielles de revenus pour l’élite moralement répugnante de cette ville, qui préside aux destinées du pays (NB : Morally Repugnant Elite - MRE, en sigles américains progressistes…si si, ca existe comme dénomination d’origine contrôlée qui plus est), qui sont :
1) la loterie…le loto quoi ; des enseignes partout, partout, Lesly Center, New York magic, dans les coins les plus reculés ; pas de piti pwofit, les pauvres peuvent bien raquer eux qui tiennent à coup de « demain »;
2) l’éducation et le business des écoles, éminemment lucratif, à tous les niveaux, depuis la maternelle jusqu’à la faculté, avec moultes promesses de cursus faisant miroiter le meilleur et le plus radieux des avenirs trilingues pour tous; et, bien sûr,
3) les maquiladoras, ou usines d'assemblage, à la frontière avec la République dominicaine notamment, ou la surexploitation est connue, acceptée, normalisée de et par tous.

Je rajouterai, pour la forme, le paradoxe des western union, ou centres de réception des transferts de fonds de la diaspora ayitienne, partout partout, à la fois le véritable matelas d’absorption, la soupape de décompression, la valvule de sécurité qui désamorce en continu les tensions explosives du pays, en transférant directement des fonds dans les poches et investissements des pauvres,
mais ce sont ces mêmes western union branches dont les chefs d’antenne s’engraissent à coups de commissions indues récoltées sur le dos, le front et la sueur des travailleurs de la canne à pis dominicaine ou du dominos pizz de Cayenne.

(relis donc cette phrase…oui, elle est incroyable, un vrai rappeur, je sais…)

C’est étonnant de constater que ces 3 "filières" économiques s’appuient sur cette tension entre marasme, détresse, dure, hardcore et sans limites vers l’abject,
cette cruelle existence de ce sous prolétariat urbain, aujourd’hui en partie déplacé sous des bâches usées jusqu’à la corde;
ET
ses mêmes aspirations universelles, simples, à un avenir meilleur, ailleurs, loin : loin, demain, le miracle du loto, loin, demain, c’est loin, l’avenir de mes enfants, alors oui, pas le choix, se saigner pour payer une éducation hors de prix, de merde, à plusieurs milliers de dollars par mois ; loin, demain, ailleurs, loin, le salaire qui me permettra d'économiser autres chose que ma survie, loin, le cousin, l'oncle qui envoie son pourcentage….Et qui engraisse les intermédiaires, de 7 à 13% les "muy hijos de puta", ces parasites…

Port au Prince, dite PAP pour les intimes, qui malgré l’occupation américaine, qui dura bien 15 ans (je dis ca de mémoire…peut-être me trompe-je...), pouvait devenir une grande capitale dans les années 20 et 30, resta par la suite une métropole sous développée ou, comme on dit de façon pudique, très dépendante.

La dictature des Duvalier, père et fils, qui finirent sur la Côte d’Azur avec le magot, les fausses promesses et dés-illusions du Père Aristide 1 et 2, sont aussi passées par là.

Aujourd’hui, il faut signaler l’inflation galopante due à l’omniprésence de nous autres, les blancs venus qui en ONG, qui en ONU, qui en touriste humanitaire, n’arrange rien à l’affaire tout en contribuant à résoudre des problèmes d’habitat pour le 1,5 millions de déplacés-sans-abris. Vas comprendre ce paradoxe de plus…

Et malgré tout, PAP, cette vieille peau délavée, je l'aime, oui, je l'aime...

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