Et de reprendre une de mes humanitaro-marottes, un de mes gros traqui-tracas, une de ces obsessions para-névrotiques avec lesquelles tu vas bien finir par te familiariser: mais bon sang, que fout l'UNICEF???
Ici, tout va bien, ou pire. Le Choléra, le cyclone Thomas qui se rapproche, la violence politique armé, qui monte gentiment. Et surtout, je dirais, une réponse humanitaire qui navigue toujours à vue, sans boussole, sans chef incontestable car incontesté, et qui se contente de dire: "bon, ben rentrez chez vous maintenant". Le return. Ils nous bassinent tous avec le return. Finies les tentes. Finis les services. Bientot on coupe l'eau dans les camps. Mais oui. C'est sérieux. C'est de "l'assistanat inopérant", voyez-vous. Le return. Après on verra, les promesses de lendemains qui permettront l'accès pour tous aux services de base. Demain, demain, toujours demain.
Mais retourner ou, pour la grosse majorité des 1,3 millions de déplacés?
Le return. T'en foutrais, moi, du return et de la "phase de transition-recovery-plus vraiment-early", de "retour aux fondamentaux du développement". Le climat en ce moment, dans le macrocosme Ayitien, c'est "Quick-quick, finis les humanitaires, place au livelihood-recoverien-recouvre rien: place aux vraies solutions et à la reconstruction".
Comme si l'urgence ne persistait pas derrière les vrais nécessités de trouver des solutions plus solides et pérennes.
Comme si les développementalistes savaient s'occuper et maitriser tous les problèmes avant le séisme.
Cette question du trafic d'être humains, de la traite, par exemple, des timouns et femmes haïtiennes dans le pays voisin (qui est surtout évoqué ici comme le pays lumineux du repos mérité du guerrier-humanitaire), n'est travaillé par quasiment aucune de ces organisations qui nous serine avec sa "fin de l'humanitaire".
Je me méfierais des promesses de solution toute faite.
Le logement social promis, sans parler d'abris transitoire, ca prendra, au mieux quinze ans. Alors, en attendant, ils vont ou les déplacés qui n'étaient pas proprio (soit grosso merdo les 85%) ?
Bref, a lire, cet article, sur les conséquences insoupçonnées de cette catastrophe, bagay là...
Le drame des enfants haïtiens en République Dominicaine, un article paru dans le Miami Herald
Le sort des mineurs haïtiens dans la partie Est de l'île d'Hispaniola. Triste réalité d'une immigration au forceps, assimilée à un plongeon dans l'inconnue. Les journalistes du Miami Herald, Gerardo Reyes et Jacqueline Charles ont enquêté sur la question : ces enfants mineurs trafiqués par les passeurs, sont souvent victimes d'exploitation sexuelle dans la localité de Boca Chica, haut lieu épicurien. Les gouvernements des deux pays semblent impuissants, tant la complicité entre passeurs et autorités frontalières des deux pays est grande. L'article ci-dessous, publié le 23 octobre 2010, est traduit de l'anglais par Belmondo Ndengué.
Haïti: Après avoir passé plusieurs jours affamée, Marie a fini par accepter les avances de plusieurs personnes au stationnement où elle quémandait, dans la ville touristique de Boca Chica (Sud de la République Dominicaine).
Cette jeune fille de 12 ans a avoué avoir eu des relations sexuelles avec plusieurs de ces dragueurs, parfois pour la modique somme d'un dollar américain, alors que ses cousines, âgées respectivement de 13 et 12 ans, demandaient de l'argent à des touristes européens et américains.
« J'avais faim, j'ai tout perdu ; nous ne savions que faire », a expliqué Marie pour justifier sa décision de se prostituer dans les rues de Boca Chica.
Les trois fillettes ont déclaré aux journalistes de El Nuevo Herald et du Miami Herald avoir quitté Port-au-Prince avec le support d'un passeur, après le tremblement de terre du 12 janvier 2010.
Aujourd'hui, ces enfants vendent à la sauvette, sous un soleil de plomb, des oeufs bouillis à 10 cents l'unité, sur l'Avenue Duarte, QG de la prostitution juvénile au coeur de Boca Chica. C'est à cet endroit que les haïtiennes qui viennent d'arriver s'offrent à des touristes rococo âgés.
L'histoire de Marie et de ses cousines ne constitue qu'un cas parmi tans d'autres. En effet, depuis le séisme du 12 janvier, plus de 7,300 enfants des deux sexes sont entrés clandestinement en République dominicaine avec la complicité de trafiquants ayant profité de leur situation de famine et de désespoir au sein de leurs familles.
Les statistiques révèlent qu'en 2009, ce chiffre était de 950, selon les organisations des droits de l'homme qui scrutent le trafic d'enfants aux dix points de passage recensés sur la frontière entre Haïti et la République dominicaine.
Plusieurs passeurs ont déclaré au Miami Herald qu'ils opéraient avec la collaboration des autorités mafieuses des deux pays. -une version qui corrobore avec celle de l'UNICEF et des organisations de défense des droits de l'enfant de part et d'autre de la frontière.
« Toutes les autorités connaissent les passeurs, mais ils ne les dénoncent pas. C'est une question qui ne va pas se résoudre du jour au lendemain, car les autorités impliquées verraient leurs sources de revenus tarir », a déclaré Regino Martínez, un jésuite de Solidarité frontalière dans la ville dominicaine de Dajabón.
Martínez a déploré cet état de chose, qui n'épargne aucun secteur, de la base, en passant par les groupes communautaires, jusqu'à la hiérarchie du CESFRONT, le Corps dominicain spécialisé en matière de sécurité frontalière.
Après le séisme dévastateur du 12 janvier, qui a fait quelques 300.000 morts, les dirigeants des deux pays ont appelé à la protection des enfants contre les velléités des trafiquants de tout bord, une situation qui ne date pas d'aujourd'hui.
Qui ne souvient pas du tollé provoqué par ce groupe de religieux américain, qui avait tenté de passer illégalement la frontière dominicaine avec 33 enfants haïtiens destinés prétendument à un orphelinat situé en République dominicaine ?
Un mois après, des trafiquants devaient, dans le plus grand secret, réussir à emporter 1.411 enfants hors d'Haïti, selon une organisation haïtienne de défense des droits de l'enfant.
Témoins occulaires
Des journalistes ont vu de leurs yeux des passeurs traversant la rivière avec des enfants, et les confiant à d'autres adultes qui, à leur tour, les transportaient sur des motocyclettes en direction des bidonvilles dominicains, à la barbe des garde-frontières.
Le premier ministre haïtien, Jean Max Bellerive, a reconnu qu' il n' y avait pas de volonté politique pour formaliser les contrôles sur la frontière poreuse de 230 milles qui séparent les deux pays, qu'il appelée un no man's land livré à tous les trafics.
« Personne n'a intérêt à voir se renforcer les contrôles sur la frontière », a fait savoir M. Bellerive au Miami Herald. « Il y a de part et d'autres des deux pays, des gens qui en tirent des avantages. »
Le président dominicain, Leonel Fernández, a décliné notre interview, mais son bureau nous a adressé un courriel dans lequel il affirmait que le gouvernement a intensifié les patrouilles au niveau de la frontière, inculpé et sanctionné tous les trafiquants. « Le gouvernement dominicain déplore tous les cas d' exploitation et de trafics de mineurs », relate ce courriel.
Les chiffres émanant des services d'immigration dominicains montrent qu'il n' y a eu que deux inculpations en 2006. Chaque mois, 800 enfants sont emmenés en République dominicaine par des points de passage de la frontière par un réseau de passeurs, selon des données de Jano Sikse du réseau frontalier (RFJS), qui veillent aux violations des droits de l'homme sur la frontière. Les passeurs touchent en moyenne $80 par personne.
Le patron de l'immigration dominicaine, le vice-amiral Sigfrido Pared, a dit que les chiffres avancés étaient exact, puisque même ses services ne traquent pas les passeurs.
« Il se pourrait, mais qu'il s'agisse de 10 ou 20 enfants est tout à fait troublant, parce que nous savons que les enfants qu'on traînent ici sont exploités dans les rues par des adultes Dominicains et Haïtiens. »
`Les trafiquants ont déclaré au Herald qu'ils sillonnaient ouvertement les deux pays avec des caravanes d'enfants, sous la protection des gardes-frontaliers, de soldats et d'agents de l'immigration.
Depuis février, les journalistes de El Nuevo Herald et du Miami Herald ont pu visiter les passages clandestins des chemins périleux que doivent emprunter les enfants. Continuer >
Les enfants se tiennent par la main pour traverser les rivières et la jungle. Ils sont ensuite transportés à moto ou en bus. D'autres encore sont contraints à la marche pendant trois jours sans nourriture. Certains enfants sont kidnappés pour forcer leurs parents à payer la totalité des frais de voyage. Des enfants de deux ans ont même été abandonnés à mi-chemin par les passeurs.
Nelta, une haïtienne de 13 ans au physique maigre, a confié au journal Nuevo Herald, qu'elle a marché pendant trois jours en compagnie de deux autres filles pour atteindre la ville de Santiago de los Caballeros en République dominicaine. Elle ajouté qu'une passeuse les a abandonnées dans une cachette dans la ville, la seconde du pays.
« Quelqu'un m'a violé dans un abri », a dit Nelta, qui habitait la ville frontalière de Ounaminthe, avant de partir à l'insu de sa mère après le tremblement de terre.
« Je ne peux pas regagner mon pays les mains vides », a-t-elle dit à voix basse, pesant ses mots, du fait de la présence de la femme qui l'a emmenée en République dominicaine. Elle n'a survécu que grâce à la mendicité aux arrêts de véhicules aux abords des feux rouges. En août, elle a regagné son pays.
Weslin, sa compagne de voyage de 12 ans a indiqué qu'elle n'a pas été violée par la même personne parce qu'elle était obéissante.
' Les "buscones"(surnom donné aux trafiquants) livrent les enfants sur demande, mais aussi aux étrangers qui en sollicitent. « Tu choisis l'âge, le sexe, les capacités du type d'enfants que tu veux », a dit un trafiquant au Nuevo Herald.
Les drames survenus aux haïtiens de tous les âges en République dominicaine ne découragent pas les nouveaux candidats au départ. Selon Pared, 250.000 Haïtiens ont illégalement franchi la frontière cette année, où ils espèrent qu'il y a plus de boulots dans la construction, le tourisme et les services. En réalité, ils se trouvent dans les arrêts d'automobiles devant les feux rouges pour mendier aux heures de pointe, ou en train de vendre des arachides grillées dans la rue, sous l'oeil vigilant des adultes qui empochent le fruit de ces ventes.
Lois inappliquées
Les policiers dominicains voient sans réagir des centaines de mineurs haïtiens cirant les chaussures ou nettoyant les pare-brise des véhicules. D'autres encore fouillent des poubelles à la recherche d'objets ou de nourriture. De nombreuses filles finissent dans la prostitution dans la zone touristique de Boca Chica.
Un enfant haïtien de onze ans a déclaré au journal Herald que son ami et lui ont remis à un jeune homme de 17 ans, tout l'argent récolté lors du lavage de pare-brise sur l'immense avenue Lincoln à Santo Domingo. « Il nous a protège, nous offre de la nourriture. Nous habitons chez lui », a dit Tony, qui n' a pas souhaité révélé son nom de famille. Sa maman vit en Haïti.
Ces situations sont récurrentes, en dépit des accords et traités paraphés par les gouvernements des deux pays pour combattre le trafic d'enfants. Un rapport du Département d'Etat américain rendu public cette année a conclu que « Le gouvernement dominicain ne respecte pas les prescrits élémentaires pour l'élimination du trafic et ne fait pas d'efforts significatifs dans ce sens ».
Selon ce rapport, le gouvernement dominicain n'a inculpé aucun passeur, ni un fonctionnaire impliqués dans des activités illicites depuis 2007.
Le rapport ajoute que les résultats dans le domaine de la protection des victimes et la prévention du trafic sont insignifiants.
Pared, le directeur de l'immigration dominicain ont qualifié « d'excessifs » les informations fournies par le Département d'Etat américain, soulignant qu'en 2003, son pays a voté une loi pénalisant toute personne soupçonnée de se livrer au trafic d'enfants.
Toujours selon Pared, les deux plus récentes inculpations pour trafic d'enfants remontent à 2008 et 2006.
« Nous ne pouvons pas ne pas être blâmés, mais de sérieux efforts sont faits pour stopper cette pratique», a précisé Pared.
Un rapport confidentiel de l'UNICEF fait part de l'existence, depuis 2002, d'un réseau passeurs Haïtiens et Dominicains comprenant des chauffeurs et des membres des forces armées dominicaines.Des journalistes du Herald ont également pu observer à plusieurs reprises, au cours de cet été, des trafiquants en compagnie d'enfants dans la zone frontalière.
Le centre nerveux du trafic d'enfants se situe dans la partie Nord de la bouillante frontière de l'île d' Hispaniola, entre les villes de Dajabón -180 miles de Santo Domingo- et Ouanaminthe en Haïti, de part et d'autre de la Rivière Massacre.
Le marché-fourmilière bi-national de Dajabón a lieu tous les lundis et vendredis, en présence de milliers de marchands et d'acheteurs. C'est une excellente occasion pour les passeurs qui remettent généralement un dollar américain aux porteurs haïtiens, lesquels glissent subtilement cette somme aux militaires dominicains. Ces derniers feignent de regarder dans la direction opposée, pour laisser libre cours au passeur et à sa meute d'enfants, dans cette foule qui donne le vertige.
Des journalistes du Herald ont vu des adultes traverser avec des enfants les eaux de la rivière qui atteignaient leurs cuisses, quand ils n'empruntaient pas le pont, sans fournir ni explication, ni document aux agents de l'immigration comme requis par la loi.
Les passeurs déambulent à leur aise dans les rues de deux villes frontalières où l'on trouve des maisons de transit sécu pour cacher les enfants. La juge des mineurs de Dajabón a indiqué que pas un seul trafiquant a été inculpé l'année dernière.
Le CESFRONT ne fait son travail et je ne puis me jeter à la rivière pour arrêter les gens », a martelé Carmen Minaya, juge des mineurs.
samedi 30 octobre 2010
dimanche 24 octobre 2010
Haïti au temps du choléra
Après avoir enduré les conquistadores massacreurs d'indiens, porteurs de la grippe espagnole, les dominicains, zélés évangélisateurs à marche forcé, déicides, la mise sous coupe réglé et l'esclavagisme forcené de sa population par les français,
après avoir subi le fer et le feu, les coups de trique du contremaitre comme les coups de triche du Maitre Impérial américain, les coups du sort d'un climat malveillant, souffert les coups d'Etat et les mises au cachot, les mise en coupe et les mises en bière, subi l'occupation des GIs et l'occupation de la MINUSTAH, le tremblement de terre, l'invasion ONGiste dont je suis par ailleurs partie prenante et la dictature, il ne manquait plus qu'une bonne vieille épidémie de choléra.
Déja 3000 affectés, 250 morts.
Ben voyons.
Les pleureuses du dimanche sont déjà de sortie. Plaintives. Et débiles: "décidément, pauvre pays maudit...".
Les discours fatalistes et misérabilistes sur ce pays commencent vraiment à me seriner et me taper sur le coquillard. Rien de fatal, pas de destinée manifeste, point de hasard catastrophique et surtout, surtout, pas de "malédiction" pour ce pays.
Non. Car vois-tu, ma chère, mon brave, la chaîne du choléra, c’est l’eau potable ET l’assainissement. Simple.
Ce sont des droits, des services de base, absents en Artibonite, le grenier du pays si, si pauvre et vulnérable, sans réforme agraire ni investissements de bases, et région encore plus fragilisée depuis qu'elle a reçu solidairement de nombreux déplacés du 12 janvier.
Point de fatalité. C'est du choix. Du choix politique. Pas de services, pagen eau pour toi, neg' des mornes, paysan pouilleux, gueux, neg zabitan. Crèves!
La paysannerie Haitienne a toujours été, volontairement, sacrifiée. Par les donations de riz des américains. Par l'élite politique (noire) sous la bienveillance de la vraie élite économique-réelle donc - (métisse/créole et partiellement, aussi, syrio-libanaise).
Pas d'eau, pas d'assainissement, rien.
La France qui compte les deux grands groupes qui font (bien ?) l’un et l’autre, eau + assainissement, devrait être plus "présente" sur le terrain pour lutter contre le "vibrion". Notre Président et son ministre des affaires étrangères pourraient peut-être se fendre d’une initiative...Non, je déconne. Pas rentable, les gueux de l'Artibonite. Quand on se targue de "piloter le G20", on n’a pas le droit de laisser "filer" une initiative entrprise/humanitaire. Non, je décone, bis.
Le choléra, c'est le manque d'eau potable + d'assainissement.
Simple, non?
On enverra au mieux quelques volontaires français CIVI service à la con, des post pubères qui ne savent ni queue ni pendre du contenu de leur mission (véridique, j'en connais un...) en débarquant ici, comme c'est le cas depuis quelques jours.
Quant à l'ONU, voila un test pour mesurer sa réactivité, sa coordination. Espérons que les entités responsables seront à la hauteur.
lundi 18 octobre 2010
Haiti n'existe pas
Voilà un livre qui donnera d’indispensables points de repère à celui, humanitaire et/ou/enfin quand meme un peu, non?/verra bien/et/ou humaniste, bref, celui et celle qui voudra dénouer l’écheveau brouillé des causes et des effets secouant actuellement cette île des Caraïbes. Christophe Wargny est d’ailleurs bien placé pour cela puisque, outre le fait d’être historien, il a eu l’occasion de travailler auprès du président Aristide, alors que ce dernier était en exil à Washington et qu’il incarnait encore les aspirations populaires à la justice et au changement social. Dramatique parcours dont il faut saisir « la dérive » et « le naufrage collectif » auquel il a conduit : « J’ai voulu moi aussi comprendre comment, en quelques années, la promesse s’est faite impasse ou même cauchemar ».
Pour y parvenir, Christophe Wargny reviendra bien sûr à quelques-uns des éléments fondateurs de l’histoire haïtienne : l’indépendance de 1804 « d’une singularité absolue », la longue « mise en quarantaine » qui s’en est suivie, puis l’occupation américaine de 1915 à 1934, enfin la longue dictature Duvalier qui « va marquer le pays au fer rouge ». Mais il s’attardera surtout à la période qu’il a connue de plus près (1991 à 2000) : celle qui a conduit Haïti des rêves d’une seconde indépendance à « une révolution avortée » puis à une véritable descente aux enfers. Et plutôt que de stigmatiser la responsabilité du seul Aristide – qu’il n’épargne pourtant pas – il cherchera d’abord à faire ressortir la complexité des facteurs en jeu : la culture de l’impunité et de l’absence de droit, les pressions états-uniennes et leurs diktats néolibéraux, les formidables problèmes économiques et environnementaux. Et, plus que tout, la terrible ignorance de l’Occident pour lequel « Haïti n’existe pas », sauf quand elle est en crise !
Sinon, les humanitaires qui lisent des livres sur Haiti ou apprennent les rudiments du Kreyole se comptent sur les...bouts de...moignon de rescapes. Deja, pour que certain se mettent au francais ou sortent du Lonely planet, on est deja dans le domaine de l'impensable, alors pensez-donc, le kreyole, alors pensez-donc, du Laferriere ou des essais socio-politiques pour comprendre un peu ce qu'on fout la...
Un jour viendra ou avant de deployer ces braves gens de l'humanitaires, petites mains comme gros et gras experts-gras - dans un sens biblique, hein, j'entends, pour le petit bout de 'gras'...-, on les obligera a lire et relire tout un kit socio-culturel sur le pays de destination et ''d'intervention''. Histoire de limiter la casse.
En voila une filiere qu'elle est porteuse de germes d'avenir, non? La preparation integrale au depart... Tiens, faudra que j'en touche un mot a nos ''stagiaires/volontaires de solidarite internationale et du progres pour un avenir radieux et cui et cui font les perruches guillerettes d'alegresse'', statut homologue, sous-payes voire point du tout: ca pourrait leur donner des idees de Consulting, eux qui seront bientot sur la paille...
En attendant, pour eux non plus, Haiti n'existe pas.
Et merci a P.Mouterde pour son lien...
vendredi 8 octobre 2010
C'est bien la justice qui donne sa certitude à l'ordre
Ce matin, en me rasant. L'Hypothèse à deux balles surgit: nos sociétés ouatées, feutrées, protectrices (pour combien de temps encore?) à Munchengladbach, Montréal ou Montpellier, ont grosso modo extirpé la violence extrême de leurs moeurs politiques.
Partant, en contraste, Haïti serait plutôt, comment dirais-je...D'un autre type.
On parle beaucoup de potentiel chaos, d'insurrection, du possible désordre pré- ou post-électoral en ce moment.
On parle beaucoup des possibilités d'affrontement, de troubles et tensions soudains, dans un pays ou la colère couve et gronde sourdement...
Le 28 novembre comme horizon, et beaucoup d 'incertitudes.
Certains humanitaires, certains partenaires, pensent tour à tour que les haïtiens sont résilients, sont trop soumis, sont courageux, ou trop vulnérables pour se battre constructivement contre ses élites actuelles et imposer un nouveau temps; certains pensent que la MINUSTAH interviendra pour rétablir l'ordre, d'autres pensent qu'elle sera dépassé et qu'il est temps, selon le bon vieil adage, que "ça pète enfin une bonne fois pour toutes". Comme un prolongement de 1804, achever l'inachevé, décoloniser les coeurs, les imaginaires, les corps même. Mais à ces apprentis sorciers de la spéculation insurrectionnelle, qui ne seront que spectateurs facilement évacuables et de facto évacués en un temps record, on est en droit de leur poser la question: quel sera le prix, le tribut du sang et des larmes? N'y a-t-il pas dautres alternatives que la rue en colère dans ce pays pour changer la donne? N'as tu jamais vu les dégats d'un conflit armé, de la haine ethnique ou partisance à son paroxysme? N'a tu jamais vu les tortures, les massacres, les pillages? Moi, d'autres ici, oui, nous avons vu et ne voulons plus voir cela. Nulle part.
Certains humanitaires, certains partenaires, pensent qu'un soulèvement, même limité, aurait des conséquences terribles, imprévisibles; d'autres que cette dynamique, même violente, aurait au moins l'avantage de changer le paradigme d'injustice sociale, de paralysie politique et d'indifférence totale au 1,5 million de déplacés et autres gueux qui ont fait irruption dans l'espace public du pays. Injustice, indifférence, paralysie, autant de tendances lourdes qui président encore aux destinées du pays de Préval et consorts. Mais quelle opposition? Quelle alternative?
Pour ma part, je n'en sais foutre rien.
Je sais juste que la question de l'ordre et de la justice a été posé mille fois dans l'histoire des hommes en marche. A d'autres époques, dans d'autres contextes, certes. Mais le discours "particulariste" sur l"insularité, la spécificité d'Ayiti, a aussi ses limites et commence même à me courir sur le haricot.
Il y a des leçons universelles dans les souffrances et les combats des hommes libres.
Non?
Je sais juste que la question de l'ordre et de la justice a été posé mille fois dans l'histoire des hommes en lutte. Et pas par les plus imbéciles de nos ainés. Je veux pour preuve, Tonton Camus, en 1944:
" On parle beaucoup d'ordre en ce moment (...)
Le résultat, c'est qu'on ne peut invoquer la nécessité de l'ordre pour imposer ses volontés. Car on prend ainsi le problème à l'envers. Il ne faut pas seulement exiger l'ordre pour bien gouverner, il faut bien gouverner pour réaliser le seul ordre qui ait du sens.
Ce n'est pas l'ordre qui renforce la justice, c'est la justice qui donne sa certitude à l'ordre.
(...)
Nous croyons ainsi qu'il est un ordre dont nous ne voulons pas parce qu'il consacrerait notre démission et la fin de l'espoir humain.
C'est pourquoi, si profondément décidés que nous soyons à aider la fondation d'un ordre enfin juste, il faut savoir aussi que nous sommes déterminés à rejeter pour toujours la célèbre phrase d'un faux grand homme et à déclarer que nous préférerons éternellement le désordre à l'injustice."
Extrait d'un article d'Albert CAMUS, paru dans "Combat" le 12 octobre 1944
dimanche 3 octobre 2010
Domestiqué
Une de mes plus grosses sources d'inconfort et d'indignation plus ou moins "rentrée", ici, pour laquelle mon logiciel affectif n'étais pas bien "préparé", il faut le dire, est la situation des "employés"-esclaves haïtiens dans la région Caraïbe (ou les travailleurs haïtiens sont traités comme des chiens) comme dans l'ensemble de la capitale.
Sur PAP, ca rigole pas: il s'agit d'une domesticité effrayante, à l’échelle de la croissance tentaculaire de la ville, et qui y prend une place de plus en plus importante. Pas de famille plus ou moins aisée qui ne dispose de 3, 4, 6, 10 domestiques. Dont ces fameux enfants, les restaveks, "donnés" par leurs parents en espérant un avenir meilleur.
Certains expatriés humanitaires s’accommodent très bien, eux aussi, de ce système, héritage direct de la colonie, doit-on le rappeler aux fausses-bonnes âmes et sans démagogie ni exagération, en terme d'interprétation historico-culturelle…
60 à 100 dollars le mois pour tout te faire, hein, c’est pratique, et puis c’est de l’emploi, hein…Alors pourquoi se priver.
Certains collègues, issus de la grande bourgeoisie de certains pays du sud, les trouvent même vraiment peu enclins à l’initiative et peu dociles, décidément…Texto.
D'autres s'accommodent assez facilement de cette asymétrie inouïe entre l'expat et le domestique, entre celui qui détient toutes les manettes, tous les postes de contrôle, et celui qui se contente de sourire et d'en faire des tonnes, par à coups, quand le Maitre, Oui mewci anpil ma bonne Madame ou mon bon Monsieur, quand ils te regardent, toi et tes petits élans de survie mal placés, toi le gueux qui sourit...Ils sont si gentils...
Ah mais tu croyais que dans ce milieu là, de l’humanitaire, il n’y avait que des humanistes intégraux, bon teint ?
Avec de la cohérence entre ce qu'ils prêchent et ce qu'ils font dans leur intimité?
Mais pas plus tard que ce matin, j'ai recu un message d'un confrère qui me demandait comment négocier plus fort avec sa domestique, qui, tu comprends, demande une augmentation inouie de 10 dollars!!! Ce collègue palpe du 6000 dollars par mois...Logé-nourri-blanchi, qui plus est...
Viens par ici, tu verras par toi-même ou se trouve le bon teint, Celestin, le bon ton, ‘tain…Pas chez tous les humanitaires, non, je te le garantis.
T’en foutrais moi, des a priori. Ici c’est Ayiti, nos cadres conceptuels implosent, ici en Ayiti, tu verras, c’est, pour reprendre une expression 1er degr d’un UN hier, le "bonheur à donf pour une E duty station".
E étant la classification d'un pays très difficile, ce qui joue sur les primes salaires et autres avantages considérables de ce brave monde du Bien Commun Global.
Du bonheur à donf sur le dos de toute cette merde...Belle distance, belle pudeur et humillité...
Pendant ce temps là, demain, demain, c’est loin, pour le peuple ayitien et porto princien. Et notamment pour ces centaines de petites cohortes qui chaque lundi matin, se rendent en cheminant vers la maison du maitre que l'on ne quittera que le samedi suivant...Dans le mailleur des cas. Sinon c'est du 7/7.
Un jour, déchoukage, tout cela pètera.
Un jour, le domestiqué en finira de t'astiquer ton parterre et s'émancipera à brûle pourpoint, tcha qua ta...
Pour l'instant, il se tait, et jouera ses 10 dollars d'augmentation (évidemment, telle fut ma recommandation...) dans la loterie Lesly Center du coin.
En attendant le lendemain.
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